Extrait :
Yves Carlevaris est comédien, metteur en scène, adaptateur, auteur.
Œil du Prince : Pourquoi avoir traduit et adapté I pette-golezzi délie donne, Les Cancans ?
Yves Carlevaris : J'aime la langue italienne, Goldoni, et tout particulièrement cette comédie avec son exceptionnel mélange de langages et de rythmes. La pièce se passe à Venise et Goldoni emploie toutes sortes de parlers : l'italien, bien sûr, mais aussi le vénitien, le napolitain, l'argot des rues, le galimatias d'Arlequin, sans oublier le style précieux des salons littéraires... J'ai eu envie de traduire au plus près toutes ces parlures qui, loin d'être disparates, se répondent harmonieusement comme les instruments d'une pièce de Vivaldi, génial inventeur de sonorités et de timbres inédits. Et puis, il y a une histoire personnelle : le peintre Lucas Carlevaris (1663-1730), un de mes ancêtres, était contemporain de Goldoni.
OdP : Qu'est-ce qui vous accroche chez Goldoni (1707-1793) ?
Y. C. : Sa liberté de ton, sa légèreté et sa joie de vivre. Il ne juge pas les gens. Il les accepte comme ils sont, à la différence d'un Molière qui voudrait à travers ses comédies corriger les hommes et leur caractère.
OdP : Comment Goldoni écrit-il Les Cancans ?
Y. C. : Nous sommes en 1751. Goldoni a quarante-quatre ans. Il a écrit plus d'une soixantaine d'oeuvres, tragédies, drames, comédies, livrets d'opéra, intermèdes, ou saynètes de carnaval. Il fait alors le pari de «pondre» seize pièces en une année. Vers la fin du carnaval, il a terminé sa quinzième pièce et il est en panne d'inspiration. Alors, selon son habitude, il parcourt les rues, observe les petits événements du quotidien, un beau regard de femme ou une trogne, qui pourraient l'inspirer. Soudain, miracle ! un pauvre hère est là. Un vendeur de pistaches ! Carlo le connaît : c'est Musa, un Juif arménien tout droit sorti du ghetto. C'est une des figures de la ville... Il l'a croisé mille fois et sans doute lui a-t-il déjà acheté de ses fruits secs... Alors Goldoni remplit ses oreilles du charabia italo-arménien de Musa et le soir même, se met au travail... Quelques jours plus tard, il a réussi son pari : sa comédie existe, vive, changeante, inattendue et sans afféterie. On est surpris par le naturel qui prévaut dans cette pièce et on songe à la réflexion de Goldoni sur son oeuvre : «En écrivant mes pièces, tout mon travail a consisté à ne pas abîmer la nature.»
OdP : Quel genre de comédie est-ce ? Une comédie de moeurs ?
Y. C. : Oui, mais Goldoni a commencé sa carrière d'auteur par la tragédie, et dans Les Cancans, si la comédie demeure souveraine, on est sur le fil du rasoir ; tout peut déraper à tout moment et basculer dans le drame.
Présentation de l'éditeur :
Qui est le véritable père de Checchina, la jeune promise ? Le digne marchand Toni, un mystérieux personnage rescapé des pirates ou l affreux marchand de cacahuètes de la place Saint-Marc ?... À Venise, les cancans courent vite à travers les ruelles et les petits ponts. De la blanchisseuse à l élégante et noble cousine, chacune y va de son couplet, grossier ou précieux, mais toujours féroce.
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