Extrait :
Extrait de l'introduction
Engager une étude sur les salins méridionaux, c'est être confronté nécessairement à la caractérisation de leur spécificité, ce qui revient, finalement, à s'attacher à la question de leur transformation. Dans l'appréhension usuelle des salins français, la distinction entre les processus d'évolution des exploitations de l'Ouest et du Midi est, en effet, primordiale. Les salins du sud sont ceux qui ont connu des perfectionnements importants et sont devenus de vastes exploitations industrielles, tandis que leurs homologues de l'Ouest, n'ont guère évolué techniquement et en sont restés à un stade artisanal :
«Aussi anciens que les salins de la Méditerranée, les marais salants de l'Ouest de la France sont demeurés, contrairement aux premiers, de petites exploitations artisanales et familiales. (...) Imposée par le climat, cette méthode (d'exploitation) très ancienne interdit tout perfectionnement technique; aussi les salins de l'Ouest, à l'inverse de ceux du Midi, sont-ils demeurés pratiquement inchangés depuis leur origine». (Colas, 1985, 12).
Cette modernisation des salins méridionaux aurait eu pour cadre le XIXe siècle : ce serait là, la période charnière, celle où tout le système technique aurait vacillé et se serait converti à la modernité en adoptant une gestion scientifique des saumures et une nouvelle organisation des bassins, en rationalisant les machines chargées d'élever les eaux et en commençant la mécanisation de la récolte. Face à ce XIXe siècle perturbateur, les siècles précédents n'auraient rien connu d'intéressant : exploitation aurait, à en croire nombre d'auteurs, stagné dans la routine et l'immobilisme le plus complet (cf. notamment Agard, 1867 ; Enquête sur tes sels, 1868 ; mais aussi Daumas, 1965). Le XXe siècle, quant à lui, pourrait seulement se targuer de la généralisation des innovations du XIXe siècle : il n'aurait, finalement, à son actif que la mise au point des récolteurs mécaniques (qui signe la mécanisation totale de la récolte). Autrement dit, c'est bien au XIXe siècle que l'exploitation aurait connu un «progrès» essentiel et irrémédiable.
Présentation de l'éditeur :
Dans le paysage des salins français, les exploitations du Midi sont remarquables par les mutations techniques qu'elles ont connues au cours de leur histoire. Contrairement à leurs homologues de l'Ouest, les salins méridionaux sont devenus de vastes exploitations industrielles qui ont adopté une gestion méthodique des saumures ainsi qu'une nouvelle organisation des bassins, qui ont rationalisé les machines chargées d'élever les eaux et ont mécanisé la récolte du sel. Cette transformation a été initiée au XIXe siècle et ses acteurs et observateurs contemporains la conçoivent comme une véritable révolution scientifique du système technique salinier. Sans remettre en question l'évolution des salins du Midi, l'ouvrage questionne cette conception des transformations initiées alors en mettant en perspective les changements concrets et les discours «progressistes» volontiers disqualifiants à l'égard des techniques «traditionnelles». La lecture de la mutation des exploitations salinières qui nous est ainsi proposée s'appuie moins sur l'habituel examen des facteurs internes et externes de la modernisation que sur une exploration attentive du processus de construction de la modernité salinière. L'émergence du salin moderne qui nous est alors donnée à voir renvoie moins à une révolution technique qu'à une conversion technologique qui redéfinit à la fois le mode d'exploitation et les savoirs-pouvoirs des acteurs en présence.
Laurence Hérault est maîtresse de conférences à f université de Provence et membre de l'Institut d'Ethnologie Méditerranéenne, Européenne et Comparative (IDEMEC) de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme.
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