Extrait :
De l'éther et des larmes
Bon, ce n'est pas tout ça, mais il va falloir que je pense à y aller maintenant.
Au fait, c'est par où la sortie ?
Tiens, un tunnel... on dirait que ça s'agite par là-bas, je vais aller voir.
Ne poussez pas, c'est bon, j'y vais ! D'abord la tête... Mais on se gèle ici !
Quelqu'un m'attrape par les épaules et me tire... et l'autre qui pousse derrière...
L'air brûle mes poumons, je crie.
La sage-femme me prend dans ses bras et dit à ma mère :
«C'est une petite fille, elle pèse 3,2 kg. Vous avez déjà choisi son prénom ?
- Oui, Pascale.»
C'est quoi ce cirque ? On m'essuie et on me pose sur le ventre de la dame chez qui j'ai habité pendant neuf mois... Je reconnais sa voix. C'est ma maman. On nous emmène toutes les deux dans une chambre. Dans le couloir, au passage, un homme nous rejoint, il attendait notre sortie avec impatience. Lui aussi je reconnais sa voix, c'est mon papa. Ils sont tous les deux heureux que je sois là, et me voir en pleine forme semble ajouter encore à leur bonheur. Il faut dire que Christel, ma soeur née trois ans plus tôt, n'a pas eu cette chance : née prématurée et avec une importante malformation cardiaque, ses premiers mois de vie ont été une course contre la montre ; près de six mois ont été nécessaires pour qu'elle prenne les quelques centaines de grammes indispensables pour permettre une chirurgie cardiaque. L'opération a réussi et permis d'envisager l'avenir. Cependant, elle n'en avait pas terminé avec les hôpitaux, puisque, l'essentiel étant assuré, il a fallu s'occuper des autres pathologies dont elle souffrait : une cataracte aux deux yeux, et des malformations au niveau des orteils de ses deux pieds. Elle a très vite été opérée d'un premier oeil, mais malheureusement, la chirurgie a échoué, son oeil droit était perdu.
Dans ces conditions et après deux années d'angoisse permanente, passant beaucoup de leur temps à l'hôpital avec ma soeur, mes parents hésitent à avoir un second enfant. La médecine permet depuis peu de réaliser des tests génétiques. Une simple prise de sang permet d'analyser certains gènes et ainsi de se faire une idée du risque qu'a un éventuel futur bébé de souffrir de telle ou telle malformation. Pour limiter les risques de mauvaises surprises, ils réalisent ces tests. Le résultat est formel : aucun risque. Ils décident donc d'avoir un second enfant.
Quelque temps avant ma naissance, mon père propose un prénom : Pascale. C'est le prénom d'une jeune escrimeuse qu'il côtoie au club de l'OGC Nice dans lequel il s'entraîne. Particulièrement impressionné par le talent et le punch de cette jeune fille, il a pensé que ce serait une bonne idée de prénom pour moi, sans même me connaître... un prénom pour conjurer ou provoquer le sort ? Il ne se doutait pas alors que Pascale Trinquet, quelques années plus tard, remporterait une médaille olympique.
26 mai 1973, me voilà. A priori, tout va bien. Je suis en pleine forme, je suis vive, curieuse de tout... mais, les apparences sont trompeuses. Quelques jours plus tard, les médecins annoncent à mes parents que j'ai un début de cataracte aux deux yeux. Dans les mois qui suivent, on apprend également que je souffre d'une malformation cardiaque et d'une malformation au niveau des orteils du pied droit. Bingo ! Bon, eh bien, le moins qu'on puisse dire c'est que la génétique, à l'époque, n'a pas encore livré tous ses secrets. Ceci dit, moi, ça m'arrange, car autrement je ne serais pas née et j'aurais raté plein de choses. Il paraît que malgré ce carton plein, je suis un bébé tonique et curieux de ce qui l'entoure. Normal, personne ne m'a demandé mon avis, alors, quitte à être là, je suis bien décidée à en profiter au maximum.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.