Extrait :
Introduction : L'appropriation des outils de gestion, entre rationalité instrumentale
et construction du sens
Amaury Grimand
PREACTIS
Université Jean Monnet, Saint-Étienne
6, rue Basse des Rives - 42023 Saint-Étienne Cedex 2
1. L'outil, un impensé des sciences de gestion ?
Des tableaux de bord prospectifs, des progiciels de gestion, des normes qualité, des référentiels de compétences... L'univers des organisations est traversé de multiples constellations d'outils de gestion produits par diverses parties prenantes, internes ou externes, mais aussi co-produits, appropriés, parfois réinventés par ceux qui les reçoivent ou les utilisent. J.-C. Moisdon (2005) souligne que le développement des outils de gestion participe de vagues successives de rationalisation qui concernent désormais des zones jusqu'alors préservées : la conception, la santé, la culture... Les lieux et mécanismes de production de ces outils de gestion diffèrent et ceux-ci possèdent indéniablement une dimension institutionnelle. Que l'on songe par exemple à la façon dont le MEDEF s'est saisi du modèle de la compétence en GRH. La communauté académique en gestion semble elle-même être passée d'un statut de diffuseur d'expériences et d'outils existants à celui de co-producteur d'outils de gestion (de Vaujany, 2005). Curieusement, ces outils restent un «impensé» des sciences de gestion. Du moins la recherche en gestion n'est guère explicite sur la théorie des outils qu'elle mobilise, laissant dans l'ombre le rôle des outils de gestion dans les dynamiques organisationnelles (Lorino, 2002).
Le débat initial, porté en particulier par le Centre de Recherche en Gestion de l'École Polytechnique (CRG) ou le Centre de Gestion Scientifique de l'École des Mines de Paris (CGS), vise notamment à se demander si les outils de gestion aboutissent plutôt à une logique de conformation et de prescription des comportements ou s'ils peuvent ouvrir la voie à l'exploration et être considérés comme des supports d'apprentissage. Cette réflexion n'est pas le seul fait des sciences de gestion ; elle touche également la sociologie, avec une perspective centrée sur le rôle des outils de gestion dans la construction des rapports sociaux ou comme supports de légitimation de l'action, bien loin des visées d'optimisation que leur prête usuellement le discours managérial.
Tout en tentant de capitaliser sur les acquis de ce débat initial, les contributions rassemblées dans cet ouvrage le prolongent en explorant le rôle des outils de gestion dans la dynamique de l'action collective et les conditions de leur appropriation par les acteurs.
Le parti-pris de cet ouvrage est ainsi, à travers le prisme de l'appropriation, de repenser le rôle et le statut des outils de gestion.
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