Extrait :
Extrait de l'introduction de Valentine Oncins
«Que, lorsque le silence "tourne", cela soit aussi une parole.» Voici, rappelé par Friedrich Hölderlin, le paradoxe du silence.
Quand il est souverain, il est une forme de parole. Il atteint un paroxysme de signification, d'intensité et s'apparente à un cri quand se taire a la force du dire.
À l'opposé, il est une absence de parole, un blanc, un fond sur lequel se tracent les lettres de l'alphabet et se détachent les mots; il est un espacement où peut se déployer et s'entendre le sens d'une écriture, d'un livre.
Parler avec le livre, tel est le titre de la collection où paraît cet ouvrage collectif. Elle ne pouvait en conséquence contourner le sujet du livre et du silence. Ce sujet fut proposé à des écrivains, artistes et chercheurs afin d'évoquer, d'analyser ou de cerner, au plus près, ce lien ou cette nécessité de l'un à l'autre, tout en respectant le principe de la collection qui est d'allier des inédits d'écrivains à des oeuvres d'artistes et à des articles scientifiques.
Les chemins de traverse, les approches et nuances sont très diversifiés, évoluant de l'écriture (J.-N. Blanc, A. Emaz, J.-P. Faye, Y. Peyré, R. Pons, P. Soupault) à l'art (J. Barral, P. Fischer, M. Mochet, S. Riou, A. Stella), de la littérature (H. Garric, F. Godeau, É. Lloze, A. Milon, M.-C. Pasquier, É. Viennot) à la philosophie (V. Chiore), de la traduction (A. Béchard-Léauté) à la musique (S. Lelièvre).
Des nuances qui passent du presque rien au retrait, de l'ellipse à l'impossibilité d'écrire, de la douceur silencieuse à la violence de la censure, de l'ange qui passe à l'hommage amical...
Livre et silence se ressemblent dans leur forme de repli et de coupure qui repousse le monde. Ils posent un temps hors temps, dans une suspension de soi et du monde comme si le livre était «une idée intérieure», un porte-voix qui amplifierait le sens du texte à condition d'échapper à toute résonance autre.
Le silence est-il la seule réponse qui se prête à l'écriture, à la lecture, et le sonore du texte est-il si bruyant qu'il induit un silence alentour ?
Le livre renferme entre ses pages une chambre d'écho pour l'écriture, qui écarte tout autre bruit. Le monde se tait et se retire devant un livre qui est lui-même une métaphore du retrait.
En rapprochant livre et silence, on souligne ces instants où s'interrompent tout bruit et toute voix ; on songe alors à leurs lieux communs comme les bibliothèques, les ombres de jardin, les angles oubliés d'un escalier et la nuit :
J'aurais voulu m'abriter sous la tente respirer la nuit, aimer le silence. (P. Soupault)
Présentation de l'éditeur :
Cet ouvrage aborde le rapport originel entre «silence et livre». Il étudie ainsi les liens entre blanc et retrait, effacement et censure, réserve et résonance..., tant dans les arts que dans la littérature.
Il fait appel à des artistes, écrivains, traducteurs, chercheurs dans une approche polyphonique particulièrement originale. Inédits de J.-N. Blanc, A. Emaz, J.-P. Faye, Y. Peyré, R. Pons et Ph. Soupault. Carnets d'artistes de S. Riou et A. Stella. Oeuvres de J. Barral, P. Fischer, C. Fontvieille et M. Mochet.
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