Extrait :
Vous pourriez lever les pieds pour que je passe le balai ? Comme ça, très bien, merci. Vous allez en Inde, non ?
C'est très simple. Les destinations, c'est comme les coupes de cheveux, les chaussures... ou le conjoint. On les choisit s'ils nous vont bien.
Ma nièce a des mèches blondes, elle adore les chaussures à talons hauts et elle s'est mariée l'an dernier avec un informaticien. Elle a invité quatre cents personnes au mariage. Où croyez-vous qu'ils sont allés en voyage de noces ? Exactement ! C'était Cancún ou une croisière. Donc, Cancún. Son mari a le mal de mer.
En effet, il porte des lunettes. Fine mouche ! Vous voyez ? Ce n'est pas si difficile. Au début, on dirait le hasard, mais plus vous connaissez les gens, plus vous vous rendez compte que dans les clichés tout n'est pas faux... Vous, par exemple, vous partez en Inde pour vous trouver vous-même. Je me trompe ? Non, je n'ai pas l'impression que vous soyez perdu. Mais vous êtes typique de ceux qui partent en Inde. Ne le prenez pas mal, vous avez dit que les informaticiens portaient des lunettes et moi je vous dis maintenant que sur votre front est écrit : Destination New Delhi. En Inde, on y va seul - et vous êtes seul - et au moins pour un mois, si j'en crois ce gros sac à dos. Mais je vous préviens, même ainsi il y en a qui sont restés trois mois et qui vous diront que pour trente jours à peine on ne va pas en Inde. Et d'autres qui y sont restés six mois et qui en plus ont attrapé des amibes ou une maladie bizarre... alors là, c'est trop...
Vous êtes rasé de frais. Et vous l'avez fait pour pouvoir vous laisser pousser la barbe à partir d'aujourd'hui, n'est-ce pas ? Vous partez avec une peau de bébé et vous reviendrez barbu. Au retour, vous attendrez quelques jours avant de vous raser, après que tout le monde vous aura vu.
Excusez-moi d'être aussi franc... Si on pouvait entrer dans la tête des autres, on serait surpris de voir à quel point rien n'a changé. Connais-toi toi-même et tu connaîtras les autres. Je ne me moque pas de vous, je me moque du genre humain, de ce que nous sommes... Ma nièce a choisi Cancún pour des raisons similaires aux vôtres...
Vous ne le croyez pas ?
Vous reviendrez avec une barbe comme elle est revenue avec un petit bracelet. Elle parlait des daïquiris et du soleil. Vous parlerez de spiritualité et de karma. Elle montrera des photos de son mari en maillot de bain et vous des photos de beaux enfants aux yeux maquillés... au kajal, c'est un produit aromatique qui fortifie la vue des petits...
Vous me demandez ça à moi ? Je ne suis qu'un balayeur. En plus, c'est difficile de parler de l'Inde. En réalité, on ne peut la décrire qu'avec les phrases habituelles : c'est une autre planète, il faut y aller pour comprendre, on en est tout remué, les Indiens sont dingues, ce genre de choses... rien de bien nouveau.
On dit que c'est un voyage intérieur. D'après moi, ça dépend. Si vous y allez avec l'idée de trouver quelque chose, eh bien, vous trouverez quelque chose. Et puis en Inde on peut farfouiller. Plus qu'un pays, on dirait un débarras, les gens et les coutumes les plus étranges, les objets les plus bizarres s'y entassent sans rime ni raison.
Présentation de l'éditeur :
Voyageurs qui n'aimez pas les longues attentes dans les aéroports, ce livre est pour vous.
Dans un terminal, un balayeur affable et disert bavarde avec les passagers en attente, devine leur destination, leur donne des conseils, raconte des histoires passionnantes sur ses voisins, flirte avec la vendeuse de journaux. Il propose même à ses interlocuteurs en partance pour Tokyo une théorie originale : "Le Japon n'est qu'une façade. Une opération marketing comme une autre. On l'a inventé pour vendre de la technologie et ça a marché."
D'histoire en histoire cet étrange balayeur nous surprend avec humour et bonheur.
Le premier roman plein d'ironie et d'énergie d'un jeune écrivain.
Ce livre a reçu le Prix Las Dos Orillas qui consiste en la publication simultanée en Italie, Grèce, Espagne, Portugal et France.
«Un petit texte ludique et plein d'esprit, qui peut se lire aussi comme une ode aux voyages immobiles et à l'imagination.»
B. Ouiriny, Le Magazine littéraire
«Vous prenez l'avion ? Emportez ce délicieux petit livre, au cas où Salvador ne serait pas là pour vous faire patienter.»
A. Liebart, Marianne
ALBERTO TORRES-BLANDINA est né en 1975, il vit à Valence. Il est musicien, chanteur-compositeur et enseigne l'espagnol. Il est également l'auteur de Carte du labyrinthe, publié aux Editions Métailié en 2011.
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