Extrait :
Comment tout a commencé
D'abord il y a ce désir puissant de raconter. Et puis on hésite. Ne pas faire de mal, ne pas trahir les secrets. Mais voilà, je vais enfin m'offrir cette trahison. Je vais quitter ce Zoltàn si sage. Ce Zoltàn si parfait, si propre depuis cinquante ans. Je me suis tant négligé pendant toutes ces années lisses et nettes. Cinquante ans, c'est vertigineux et pourtant c'est par là que je commence. Par la fin.
J'étais venu à Paris pour d'obscures raisons de propriétaire de pied-à-terre. Une loge de concierge, achetée avec les droits de mon deuxième roman au 5 de la place Jussieu. Ce rêve de possession que nourrissent tous les expatriés, les exilés, je l'avais réalisé. Pourtant je n'y avais pas remis les pieds depuis cinq ans. Il fallut un plafond écaillé par une fuite dans le circuit d'eau pour m'y traîner.
Donc, fin mars 1968, j'étais arrivé inquiet dans mon antre transformé en pataugeoire. François Burtin, mon voisin du dessus, ne savait plus comment se faire pardonner l'aller-retour depuis New York qu'il m'imposait pour un constat d'assurance. Nous l'avions rempli devant un café au Bistrot Jussieu.
C'est ainsi que par hasard, dans un journal abandonné sur une table, je découvris la mort de Jiska. Un petit encart dans le «Carnet du jour». Une généalogie expéditive, des regrets, l'annonce de l'enterrement à Nice le surlendemain à onze heures.
Lire mon avenir dans le marc d'un bistrot ne me surprenait pas. Cela n'aurait pas déplu à Jiska, mon premier amour, ma première vie.
Je décidai de me rendre à Nice le lendemain pour l'accompagner à sa dernière demeure. L'étrangeté de la situation me brûlait. Jiska, bien évidemment, avait manigancé le tout depuis sa tombe.
Il me restait à Jussieu un tuxedo pour les grandes occasions et un costume en velours brun côtelé pour les moins formelles, mais aucun pour les enterrements. Je décidai d'improviser.
Gare de Lyon, un sac de voyage, Le Monde, quatre sandwichs français et vite, Nice, la grisaille, la mer.
Présentation de l'éditeur :
1968. Zoltán Soloviev, écrivain new-yorkais, assiste, à Nice, à l enterrement de sa première maîtresse, Jiska, de vingt ans son aînée. La petite-fille de celle-ci l approche et l interroge sur cette grand-mère loin de laquelle elle a été élevée... Cette demande le pousse à écrire ses mémoires que nous allons lire parallèlement à la chronique de sa rencontre avec la jeune femme. Son récit commence à Yalta en 1920, l année de ses douze ans. C est Noël et sa famille de riches propriétaires terriens s apprête à fuir la révolution et la guerre civile. Leur exil passera par Constantinople, Nice et enfin New York.
C est là que Zoltán s est installé à l âge de vingt ans avec Jiska, qu il a découvert le monde débridé des années folles et multiplié les aventures. Mais, en 1968, il est loin de considérer sa vie amoureuse comme terminée, et cette toute jeune fille qui le questionne sur sa grand-mère va occuper une place inattendue dans sa vie...
A travers cette traversée de l histoire d un siècle et d un destin singulier, Virginie Ollagnier nous donne une nouvelle démonstration de son talent avec un livre qui devrait l imposer comme un auteur majeur de la rentrée.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.