Extrait :
Extrait de la préface :
Les aventures du corps
«Une histoire plus digne de ce nom que les timides essais auxquels nous réduisent aujourd'hui nos moyens ferait leur place aux aventures du corps.»
Marc Bloch, La Société féodale (1939)
Pourquoi le corps au Moyen Age ? Parce qu'il constitue l'une des grandes lacunes de l'histoire, un grand oubli de l'historien. L'histoire traditionnelle était en effet désincarnée. Elle s'intéressait à des hommes et, accessoirement, à des femmes. Mais presque toujours sans corps. Comme si la vie de celui-ci se situait en dehors du temps et de l'espace, recluse dans l'immobilité présumée de l'espèce. Le plus souvent, il s'agissait de dépeindre les puissants, rois et saints, guerriers et seigneurs, et autres grandes figures de mondes perdus qu'il fallait retrouver, magnifier, et parfois même mythifier, au gré des causes et des nécessités du moment. Réduits à leur part émergée, ces êtres étaient dépossédés de leur chair. Leurs corps n'étaient que symboles, représentations et figures ; leurs actes, que successions, sacrements, batailles, événements. Enumérés, écrits et posés comme autant de stèles censées scander l'histoire universelle. Quant à cette marée humaine qui entourait et concourait à leur gloire ou à leur déchéance, les noms de plèbe et de peuple suffisaient à en conter l'histoire, les emportements et les comportements, les errements et les tourments.
Michelet fait exception et scandale en accordant un rôle historique important à la fistule de Louis XIV. La curieuse étude, fondée sur l'hérédité, du docteur Auguste Brachet, médecin et positiviste, disciple de Littré, Pathologie mentale des rois de France (1903), n'a pas eu d'influence sur l'historiographie. Seul le marxisme, à la périphérie de l'histoire, davantage considéré comme idéologie et philosophie, avait voulu subvertir cette conception traditionnelle de l'historiographie, en particulier avec la notion de lutte des classes.
En faisant place à la «longue durée» et à la sensibilité, à la vie matérielle et spirituelle, le mouvement de l'histoire dite des «Annales» a voulu promouvoir une histoire des hommes, une histoire totale, une histoire globale. Car, si l'histoire a souvent été écrite du point de vue des vainqueurs, comme le disait Walter Benjamin, elle a aussi -dénonçait Marc Bloch - longtemps été dépouillée de son corps, de sa chair, de ses viscères, de ses joies et de ses misères. Il fallait donc rendre corps à l'histoire. Et donner une histoire au corps.
Quatrième de couverture :
Rêve, travail, sexualité... Écartelé entre répression et liberté, Carême et Carnaval, le corps au Moyen Âge est le lieu d'une des principales tensions de l'Occident. De l'abstinence des prêtres aux délices du pays de cocagne, du développement du christianisme à la persistance du paganisme, du rire au « don des larmes », de la mode vestimentaire aux habitudes alimentaires, du célibat à l'amour courtois, cette esquisse « d'histoire totale » du corps permet de comprendre les codes, gestes et significations que l'Occident médiéval a légués à notre modernité. Il s'agit en somme de donner corps à ce Moyen Âge dont nous sommes issus.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.