Extrait :
Introduction
J'avais cinquante ans. Ma mère venait de mourir. J'étais épuisée par ces longs mois de vaine lutte pour essayer, encore une fois, de conquérir son amour.
C'est le moment que choisit un médecin de grand renom pour m'annoncer que je n'avais plus que quelques mois à vivre.
Passer de l'autre côté ne m'a jamais effrayée. Tant de gens l'ont fait. Et pourquoi mourir serait-il plus difficile que naître ?
Ce qui me tourmentait, c'était la crainte d'arriver en pays inconnu, d'être, encore une fois, l'étrangère.
L'idée me vint d'aller à la découverte de ceux qui m'ont précédée et, qui sait, peut-être d'aller à leur rencontre.
De ceux dont mon enfance avait croisé la route, il me restait si peu de choses, l'éclat bleu d'un regard, un délicat parfum de bergamote. Alors, à quoi reconnaîtrais-je les autres si je n'y prenais garde ?
Au fil des années, de ville en village, de plaine en montagne, de métairies en châteaux, je les ai retrouvés.
Aujourd'hui, il me semble que je les connais. Du moins les plus proches. Les maçons en taillole rouge, les paysans des collines de Marseille, le piémontais, les peigneurs de chanvre du massif de Chartreuse et les tisserands des Baronnies. Et les femmes ! les repasseuses de linge fin, les filles de notaire, les nièces de curé et les demoiselles de château. Même la pauvre fille qui déposa furtivement son enfant au tour de l'hôpital d'Embrun ne m'est plus totalement inconnue.
Peu à peu, leurs silhouettes ont émergé des brumes de l'oubli. Au hasard d'un contrat de mariage, d'un testament, j'ai pu entrevoir furtivement un trait de caractère, une particularité physique. J'ai même retrouvé un vrai portrait sur un ex-voto et un signalement sur un registre d'écrou.
Et quelquefois je retrouve un peu de l'un d'eux dans mes enfants et dans mes petits-enfants. Oh ! de petites choses ! Un geste un peu gauche, une tournure de phrase, un soupir. Comme si une étincelle de vie continuait, tenace, à briller tout au long de la grande nuit des temps.
C'est peut-être cela l'éternité.
Présentation de l'éditeur :
La bergère innocente, le marin républicain, l'artisan fier et ingénieux, l'immigré heureux de sa réussite, le notaire dans le besoin, le meunier sans culotte, le muletier poète, un curé qui fait le banquier, le protestant aux galères, le lépreux relégué... Tendres, comiques ou tragiques, d'humour ou de peine, ces portraits constituent la trame simple et riche des générations qui, au cours des siècles, des Alpes à la Méditerranée, ont façonné et peuplé la Provence. Alliant le souci de la généalogie à la rigueur de l'histoire, Simone Chamoux nous livre dans cette fresque passionnante une grande leçon d'humanité. Au fil des années, de ville en village, de plaine en montagne, de métairies en châteaux, elle a retrouvé tous ces héros du quotidien dont beaucoup sont ses ancêtres. Elle les aime tous sans distinction et nous donne envie d'aller sur leurs traces à la découverte de ce pays de bonheur et d'accueil, de mistral et de soleil, de tendresse et de plaisir.
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