L'avocat Charles-Louis-Étienne Truinet est mieux connu sous le pseudonyme de Nuitter. Librettiste et traducteur, il est une personnalité importante du milieu musical parisien de la seconde moitié du XIXe siècle et passe à la postérité en tant que fondateur et premier conservateur de la bibliothèque de l'Académie impériale de musique, le futur Opéra de Paris. Richard Wagner ait sa connaissance en 1860 lors de la préparation des représentations de son Tannhäuser, et apprend à l'estimer comme un de ses amis parisiens les plus fidèles et les plus dévoués. Après avoir remanié avec succès la traduction française de cet opéra, Nuitter devient non seulement l'assistant du compositeur allemand lors des répétitions qui suivent, mais aussi son homme de confiance pour régler les affaires le concernant Paris. Même après son départ définitif de la capitale française, Wagner trouve en Nuitter un confident à qui il peut exposer tous ses soucis, et dont il fait, à partir de 1867, son représentant officiel pour la France.
La correspondance entre Wagner et Nuitter, inédite pour l'essentiel, est en premier lieu le témoignage d'une amitié profonde, mais révèle également beaucoup de détails e la vie de Wagner ignorés jusqu'à présent. À titre complémentaire figure la correspondance entre Cosima Wagner et Nuitter, elle aussi inédite en majeure partie. Elle débute en 1869, lorsque Cosima s'adresse à l'archiviste pour engager un quatuor à cordes parisien, en vue d'organiser une surprise pour l'anniversaire de Richard, et se poursuit jusqu'aux années 1890.
« En poésie, écrit Modeste Moussorgski à son ami Stassov en 1872, il existe deux colosses : Homère et Shakespeare. En musique, il y en a deux aussi : Beethoven et Berlioz. » Entre ces quatre piliers, le compositeur de Boris Godounov tient dignement son rang, tant musical que littéraire. Car sa correspondance, qui paraît enfin en français, révèle un épistolier savoureux et truculent qui aurait pu appartenir au cercle de l'Oulipo, assure même son traducteur. Moussorgski réaffirme dans ces trois cents lettres son idéal : « L'étude des traits les plus fins de la nature humaine, l'exploration obstinée de territoires peu connus, voilà la mission actuelle de l'artiste. » --Gilles Macassar-- -- Télérama