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Extrait :
Le pont du Rochambeau
Nous étions quatre. À ma naissance en 1929, Monique, ma soeur aînée avait neuf ans, Vivou, la seconde - de son vrai nom Geneviève, abandonné par l'usage -, en avait sept, et Rémi, mon futur compagnon de jeux innombrables, quatre. Nos parents ne dédaignaient pas le monde. Avant la guerre Hedwige, ma mère, avait son «jour», le lundi, où elle donnait un thé pour des dames amies. Louis, mon père, avait un cercle, l'Interallié. Il était fier de son frère académicien et de sa soeur présidente du jury Femina. Mais à leurs yeux, l'argent et les prestiges sociaux comptaient pour rien comparés au bonheur de leurs enfants. Ni l'un ni l'autre n'était conformiste. Hedwige, ma mère, s'était convertie au catholicisme durant son adolescence alors que ses parents étaient tous deux incroyants. Après des années à Vannes dans un milieu d'officiers de marine et de hobereaux bretons, elle avait fait à Oxford et Paris de brillantes études de philosophie, ce qui était insolite et presque déplacé pour une femme avant la guerre de 14.
Louis était le neveu d'Hippolyte Taine qui avait adopté - en fait sinon en droit - les trois enfants de sa soeur après la mort précoce de leur père en 1877. En dépit de son affection pour Taine, de son intérêt pour le cercle de ses amis - Renan, Berthelot, Heredia et autres écrivains ou savants de cette époque -, Louis avait quitté la France à vingt-six ans pour un campement de mineurs perché à 2 000 mètres d'altitude dans les Montagnes Rocheuses. Ingénieur des Mines, il devait passer vingt ans dans l'Ouest américain et le Mexique, prospectant et gérant des gisements d'or et d'argent, menant dans une grande solitude une vie physiquement harassante, presque une vie d'explorateur. Le mariage de Louis et d'Hedwige fut un défi aux convenances. L'écart des âges - vingt-quatre ans -, la différence des milieux, des croyances, le rendaient imprudent. Mais sa réussite, fondée sur un accord profond entre deux personnalités dissemblables et remarquables chacune à sa manière, a placé notre enfance sous le signe de la liberté. Elle l'a rendue intéressante à vivre. Il faut entendre Hedwige et Louis raconter leur coup de foudre pour en comprendre la répercussion sur leur famille.
À son frère aîné, André, qui voulait à tout prix le marier et lui avait proposé un beau parti, Louis avait répondu qu'on oublierait le projet, à moins qu'une «petite flamme» - improbable - ne vienne toucher son coeur. Dix ans après, sur le pont noir du paquebot Rochambeau qui faisait route vers les États-Unis tous feux éteints par crainte des sous-marins allemands, la petite flamme avait brillé au contact d'Hedwige.
Présentation de l'éditeur :
Nous étions quatre. À ma naissance en 1929, Monique, ma soeur aînée avait neuf ans, Vivou, la seconde - de son vrai nom Geneviève, abandonné par l'usage -, en avait sept, et Rémi, mon futur compagnon de jeux innombrables, quatre. Nos parents ne dédaignaient pas le monde. Avant la guerre Hedwige, ma mère, avait son «jour», le lundi, où elle donnait un thé pour des dames amies. Louis, mon père, avait un cercle, l'Interallié. Il était fier de son frère académicien et de sa soeur présidente du jury Femina. Mais à leurs yeux, l'argent et les prestiges sociaux comptaient pour rien comparés au bonheur de leurs enfants. Ni l'un ni l'autre n'était conformiste. Hedwige, ma mère, s'était convertie au catholicisme durant son adolescence alors que ses parents étaient tous deux incroyants. Après des années à Vannes dans un milieu d'officiers de marine et de hobereaux bretons, elle avait fait à Oxford et Paris de brillantes études de philosophie, ce qui était insolite et presque déplacé pour une femme avant la guerre de 14.
Louis était le neveu d'Hippolyte Taine qui avait adopté - en fait sinon en droit - les trois enfants de sa soeur après la mort précoce de leur père en 1877. En dépit de son affection pour Taine, de son intérêt pour le cercle de ses amis - Renan, Berthelot, Heredia et autres écrivains ou savants de cette époque -, Louis avait quitté la France à vingt-six ans pour un campement de mineurs perché à 2 000 mètres d'altitude dans les Montagnes Rocheuses. Ingénieur des Mines, il devait passer vingt ans dans l'Ouest américain et le Mexique, prospectant et gérant des gisements d'or et d'argent, menant dans une grande solitude une vie physiquement harassante, presque une vie d'explorateur. Le mariage de Louis et d'Hedwige fut un défi aux convenances. L'écart des âges - vingt-quatre ans -, la différence des milieux, des croyances, le rendaient imprudent. Mais sa réussite, fondée sur un accord profond entre deux personnalités dissemblables et remarquables chacune à sa manière, a placé notre enfance sous le signe de la liberté. Elle l'a rendue intéressante à vivre. Il faut entendre Hedwige et Louis raconter leur coup de foudre pour en comprendre la répercussion sur leur famille.
À son frère aîné, André, qui voulait à tout prix le marier et lui avait proposé un beau parti, Louis avait répondu qu'on oublierait le projet, à moins qu'une «petite flamme» - improbable - ne vienne toucher son coeur. Dix ans après, sur le pont noir du paquebot Rochambeau qui faisait route vers les États-Unis tous feux éteints par crainte des sous-marins allemands, la petite flamme avait brillé au contact d'Hedwige.
Dans les années 50 et 60, Olivier Chevrillon collabore à la revue Esprit et au Club Jean Moulin. Au cabinet d'Alain Savary, il prend part aux négociations d'indépendance du Maroc et de la Tunisie.
Principal collaborateur de Gaston Defferre lors de sa campagne présidentielle de 1964-1965, il participe à l'élaboration du Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber avant que celui-ci ne lui confie la responsabilité de L'Express.
En 1971 il propose à d'anciens rédacteurs en chef de cet hebdomadaire le projet qui deviendra Le Point grâce à l'appui du groupe Hachette. Il reste jusqu'en 1986 le patron et l'éditorialiste du Point.
Il sera directeur des Musées de France de 1987 à 1990.
«Celui qui lira ces Mémoires y trouvera bien plus que la vie d'un homme de bien. Il revivra la France du second XXe siècle, tellement plus facile, agréable, riante que celle de l'horrible premier XXe siècle. Il reverra les " jolies choses qu'on ne fait plus ", comme disait Proust de l'avant-Première Guerre mondiale. Il regrettera le temps où le service public était un idéal, où les carrières étaient ouvertes, libres, rattrapables en cas d'accident.»
Alain Besançon
Principal collaborateur de Gaston Defferre lors de sa campagne présidentielle de 1964-1965, il participe à l'élaboration du Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber avant que celui-ci ne lui confie la responsabilité de L'Express.
En 1971 il propose à d'anciens rédacteurs en chef de cet hebdomadaire le projet qui deviendra Le Point grâce à l'appui du groupe Hachette. Il reste jusqu'en 1986 le patron et l'éditorialiste du Point.
Il sera directeur des Musées de France de 1987 à 1990.
«Celui qui lira ces Mémoires y trouvera bien plus que la vie d'un homme de bien. Il revivra la France du second XXe siècle, tellement plus facile, agréable, riante que celle de l'horrible premier XXe siècle. Il reverra les " jolies choses qu'on ne fait plus ", comme disait Proust de l'avant-Première Guerre mondiale. Il regrettera le temps où le service public était un idéal, où les carrières étaient ouvertes, libres, rattrapables en cas d'accident.»
Alain Besançon
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- ÉditeurB.DE FALLOIS
- Date d'édition2011
- ISBN 10 2877067645
- ISBN 13 9782877067645
- ReliureBroché
- Nombre de pages158
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Mémoires
Edité par
B.DE FALLOIS
(2011)
ISBN 10 : 2877067645
ISBN 13 : 9782877067645
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