Extrait :
QUELQUES CONTRESENS SUR LE DIEU DE LA BIBLE
Il y a plusieurs façons d'aborder la «question de Dieu». L'une d'elles, très répandue, est illustrée par Descartes, qui part de l'idée de Dieu inscrite dans son esprit. «Cette idée d'un Être souverainement parfait et infini est très vraie», affirme-t-il dans les Méditations. Elle s'impose à lui avec la clarté et l'évidence d'une vérité absolue. Elle est même l'Absolu qui sert de garant à la notion de vérité. En effet, à ses yeux, l'idée de Dieu ne vient pas de lui. Et elle ne peut être une fiction. Il annonçait, dès la Préface, le noeud de son argumentation : «De cela seulement que j'ai en moi l'idée d'une chose plus parfaite que moi, il s'ensuit que cette chose existe véritablement.»
Pascal n'a pas de mal à détecter le caractère factice de ce raisonnement. Il pense que la philosophie n'a rien à dire de spécifique sur Dieu. Dieu n'est pas une abstraction. La métaphysique ne peut rien prouver. L'idée de Dieu que Descartes découvre en lui ne vient pas de lui, certes, mais elle a une origine religieuse et historique à la fois : une Révélation reçue par un peuple très ancien qui l'a consignée dans un livre. Et ce livre, la Bible, il faut le tenir pour sacré. Pascal portait sur lui cette phrase : «Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants.»
Malheureusement pour Pascal, nous savons aujourd'hui qu'Abraham, Isaac et Jacob, à supposer qu'ils aient existé, n'étaient pas monothéistes. Ils n'avaient pas le même Dieu que lui. Et le livre qui parle d'eux n'est pas aussi ancien, loin de là, qu'on le croyait naguère encore.
Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les autres livres fondateurs
À l'époque où la culture hébraïque et la culture grecque sont entrées au contact l'une de l'autre, après la conquête de la Palestine par Alexandre, en 333 avant notre ère, les Juifs hellénisés se sont rendu compte que les Grecs ignoraient tout de leur peuple. Hérodote lui-même, qui a séjourné, au Ve siècle, en Perse, en Égypte et même en Phénicie, aux portes de la Terre d'Israël, et qui se montre si curieux des croyances et des coutumes des autres peuples, ne fait aucune mention des Juifs, de leur religion ou du Temple de Jérusalem. Plusieurs écrivains juifs, initiés désormais à la culture grecque mais restés attachés à la religion de leurs ancêtres, ont conçu alors le dessein d'expliquer aux Grecs, en grec, que leur peuple était plus ancien que le leur et qu'il avait influencé les meilleurs de leurs «sages». C'est ainsi que le philosophe Philon, à Alexandrie, au tournant de notre ère, ou l'historien Flavius Josèphe, à Rome, au Ier siècle après J.-C., ont soutenu que Pythagore, Socrate ou Platon s'étaient inspirés de l'enseignement de Moïse. Déjà, au IIe siècle avant notre ère, un philosophe juif vivant à Alexandrie, Aristobule, avait affirmé, dans un livre dédié à Ptolémée VI, que ces mêmes philosophes devaient beaucoup à «l'écrit de Moïse» et que la trace de ce dernier se décelait jusque chez Homère. Ces assertions d'apologistes juifs ont été relayées par des théologiens chrétiens désireux, eux aussi, de mettre en avant la supériorité de la Bible, appelée l'«Ancien Testament», sur la littérature grecque et latine. Ils pouvaient s'appuyer, les uns et les autres, sur le texte biblique qu'ils lisaient dans la traduction grecque, la «Septante», rédigée à partir du IIIe siècle avant J.-C. par des Juifs d'Alexandrie, à l'intention de leurs compatriotes qui avaient oublié l'hébreu.
Présentation de l'éditeur :
Dans un style clair et accessible à tous, Jean Soler met d’abord en lumière « six contresens sur le dieu de la Bible », une divinité qui n’est pas le Dieu unique des trois religions monothéistes mais un dieu parmi d’autres, du nom de « Iahvé », conçu comme le dieu national des seuls Juifs.
Il relate ensuite, sans référence aucune au surnaturel,la généalogie du dieu « Dieu », telle qu’il l’a reconstituée à partir des acquis de la recherche scientifique.
Il explique enfin pourquoi cette croyance peut porter plus que d’autres à l’extrémisme et à la violence, comme on l’a vu avec les croisades, l’Inquisition ou les Guerres de religion, et comme on le voit de nos jours avec les conflits du Moyen-Orient, sans compter l’influence, indirecte mais bien réelle, de l’idéologie monothéiste sur le nazisme et le communisme, ces deux fléaux du siècle passé.
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