Helmut Krausser a-t-il rencontré le diable quand il était SDF dans les rues de Munich ? Peut-être a-t-il pactisé avec lui pour écrire Le caniche noir de la diva.
Cora Dulz est psychanalyste ; l’un de ses patients, Naguy, voue un amour pathologique à Maria Callas. Il raconte comment, caché dans l'un de ses caniches, il est intervenu dans la vie de la diva. Facile puisqu'il est le diable ! Rapidement, Cora tombe sous son charme et le poursuit jusque dans les bas fonds de la ville... sous prétexte de le guérir.
L'auteur fait voler en éclat les théories psychanalytiques et tourne en dérision le travail de Cora. La psychanalyste, en effet, semble plus atteinte que son patient qui réveille son inconscient mieux que ne le feraient des séances sur le divan. L'attirance érotique bataille avec l'éthique médicale. Helmut Krausser décrit ainsi le lent processus de la passion amoureuse, d'abord la fascination puis le désir jusqu'à l'hystérie : "je voudrais qu'il arrache mon corsage (...) qu'il me prenne par derrière...". Résultats de plusieurs années de désirs sexuels réprimés !
Cora n'est en réalité qu'une petite bourgeoise délaissée par son mari et qui, à presque quarante ans, craint de vieillir. Elle veut l'aventure avant tout, même si c'est le diable qui l'emmène ! Krausser en fait ainsi le maître du roman jusque dans les dialogues plein d'humour. Le diable, c'est bien connu, a le mot pour rire.
L'auteur mêle à l'histoire de Cora le récit de la vie de la Callas. Helmut Krausser est un mélomane et l'auteur d'un livret d'opéra. De fait, dans la fantaisie et la cruauté perce aussi l'admiration pour cette diva à la voix divine. Un roman original en forme d'hommage également. --Ariane Charton-- -- Urbuz.com
En portant à l'écran
Le Caniche noir de la diva, les cinéastes ne s'y sont pas trompés. On se trouve bien, en effet, dans le genre du thriller psychologique : il y a le malade et la psychanalyste, l'inévitable manipulation de l'un sur l'autre, mais surtout il y a mort d'homme. Ce serait toutefois réduire le livre que de le limiter à son intrigue. Le récit est constellé de brèves – réelles ou imaginaires ? on l'ignore – qui traitent du thème de la mort et illustrent en creux ce que le roman cherche à livrer. Sur un fond de tristesse, voire de mélancolie, c'est en fait à un deuil impossible que Nagy, le malade, et Cora, la psychanalyste, sont confrontés : pour lui, c'est le deuil d'une femme, la Callas, mais de qui à travers elle ? Elle pleure sa jeunesse, son couple fané.
Que faire quand l'autre meurt, l'autre réel ou imaginaire, l'autre en soi ou en dehors de soi ? Nagy et Cora ont décidé de se raconter des histoires. Et nous les recevons, humains que nous sommes. --Isabelle Rossignol