Extrait :
Extrait de l'introduction :
Il y a trois grandes gastronomies : la chinoise, l'indienne et la française. Sans conteste aucun, les cinq honorables cuisines de l'Empire du Milieu se placent au premier rang. Nous laisserons aux historiens et aux «goûteurs» professionnels la responsabilité d'attribuer la seconde place à la France ou à l'Inde. Quoi qu'il en soit, elles possèdent toutes trois la triple marque d'une authentique gastronomie : une indiscutable sapidité, un caractère unique, souverain et immédiatement discernable, enfin une étonnante variété de compositions.
Aussi différents soient-ils de province à province, les mets conservent un fond de saveur ou un cachet typiquement chinois, français ou indien qui les distinguent des autres cuisines du monde. Car toutes les autres proviennent d'elles ou s'en sont inspirées ; elles les ont aménagées, édulcorées, plagiées ou adaptées en fonction des habitudes alimentaires, des possibilités et des produits locaux. Jamais elles ne les ont enrichies. D'autre part, elles n'ont pu devenir de «grandes cuisines» en se faisant connaître simplement par quelques trouvailles mineures ou spécialités isolées. Les couscous, spaghettis, nasi-goreng, oignons au chocolat, watrezouilles ou autres puddings aux rognons n'ont pas donné naissance à des suites mémorables. Quant aux cuisines américaine, Scandinave, polonaise, zaïroise, tibétaine, bolivienne ou belge, elles brillent par l'incongruité, l'absence ou l'insipide : ce ne sont point des cuisines mais du «manger».
En Occident, on connaît encore très mal la gastronomie indienne, malgré les efforts louables de Yogen Gupta qui est à l'origine du premier établissement de grande classe à Paris, le restaurant Indra. D'autres, de qualité égale, furent créés, tels le Ravi, l'Annapurna, le Yugaraj ou le New-Balal. Mais la plupart des restaurants sont malheureusement de lamentables ambassadeurs de cette sublime cuisine. Il ne doit pas exister en France plus de huit ou dix lieux où officie un véritable «chef» indien. Et il en est de même pour les chinois, dont le nombre n'est guère plus élevé. En revanche, toutes nos villes pullulent de gargotes improvisées où les menus n'ont de chinois que le nom et les nouilles ! Signe fatidique, il arrive même que les Indiens proposent de l'«agneau au curry» à la place de curry d'agneau ! L'inversion des termes est toujours symptomatique d'incompétence.
Un préjugé rôde également : on prétend que cette cuisine est agressive et intolérable au palais d'un Occidental non averti, en raison de la profusion des épices et de la saveur enflammée du piment qui l'accompagne. Si nos amorphes et délicates papilles ne sont pas encore éduquées à ces somptuosités, sachons que de nombreuses et succulentes recettes comportent de très faibles quantités d'épices, que le piment peut être dosé à loisir ou, à la rigueur, supprimé et que, en Inde même, chaque région, chaque famille ou chaque individu s'applique aussi à relever la nourriture selon son propre goût. Mais nous devons avouer cependant que le piment est roi en cuisine indienne. Ceux qui ont su dépasser sa brûlure trouvent avec lui la meilleure façon d'exalter les arômes. Dire que le piment masque toutes les saveurs est une sottise ; il les rehausse ! Et cette cuisine reste, avant tout, un grand art des saveurs, une discipline incomparable pour affiner les cinq sens et peut-être le sixième... Depuis deux mille ans elle combine l'art de se bien nourrir et la science médicale.
Au nombre de six, les saveurs (rasa) furent parfaitement définies et étudiées par l'antique Ayurveda qui est le manuel le plus ancien de la médecine indienne : le doux, l'acide, le salé, l'amer, l'astringent et le piquant se mêlent ou s'affrontent pour notre bonheur et notre étonnement. Présentes dans les aliments, elles possèdent des vertus particulières pour l'organisme. Leurs savantes associations donneront lieu à des mets recherchés et roboratifs. Selon les cas elles aggravent ou améliorent les trois éléments principaux (air, feu et eau) dont est composé le corps. Ainsi, le doux, l'acide et le salé calment l'élément air dominant chez les personnes irritables et sujettes aux douleurs violentes et aux paralysies. Le doux, l'amer et l'astringent calment le feu dominant chez les gens excessifs qui transpirent très vite et développent des maladies comme les hémorragies, les ulcères et l'aérophagie.
Présentation de l'éditeur :
"J'ai d'abord choisi des grands classiques, dans certains cas rénovés, puis des compositions traditionnelles caractéristiques de chaque province, parfois luxueuses, parfois frugales et d'une réalisation aisée. Enfin, puisque aucune gastronomie ne doit s'enliser dans l'immobilisme et la routine, quelques innovations sont proposées, telles que le mérou en papillotes au curry de fenouil, ou le magret de canard à la cardamome et à la coriandre fraîche et citronnée, dit "magret du pandit". Dans un tour de l'Inde en 162 recettes, Jean Papin explique les savantes associations de saveurs qui dont de la gastronomie indienne un art fondé sur le maniement des épices.
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