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Sapienza, Goliarda Le Fil d'une vie ISBN 13 : 9782878582673

Le Fil d'une vie - Couverture souple

 
9782878582673: Le Fil d'une vie
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Extrait :
Ce n'est pas pour vous importuner avec une nouvelle histoire ni pour faire un exercice de calligraphie, comme j'en ai longtemps fait, moi aussi ; ni par besoin de vérité - ça ne m'intéresse aucunement - que je me décide à vous parler de ce qui me pèse depuis quarante ans sur les épaules, sans que je l'aie compris. Vous penserez : pourquoi ne se débrouille-t-elle pas toute seule ? De fait, j'ai essayé, beaucoup essayé. Mais, vu que cette recherche solitaire m'amenait à la mort - j'ai failli deux fois mourir «de ma propre main», comme on dit -, j'ai pensé que se défouler avec quelqu'un serait mieux, sinon pour les autres, du moins pour moi. Et que cela fasse du bien de parler de ce qui nous concerne, il m'a fallu en faire l'expérience, ça a quelque fondement réel. Comme je vous l'ai dit, ces quarante ans, ou plutôt les premiers vingt ans de ces quarante ans, à force de vouloir sciemment les ignorer, se sont tellement embrouillés que je ne parviens pas à les démêler, à faire de l'ordre. Malheureusement, je suis très ordonnée, je dirais même un peu maniaque : si bien que les faits passés me projettent comme une mouche contre les murs de cette pièce qui s'est trop remplie. Vous comprenez, j'y vis depuis toujours. Il y a des livres, naturellement, des tableaux, des miroirs, des tables, tant de tables qu'elles s'empilent les unes sur les autres, des objets inutiles que j'ai achetés ou qu'on m'a offerts et que je n'ai pas osé refuser. Je vous explique : aujourd'hui Dina est venue comme d'habitude pour faire le ménage ; elle vient deux fois par semaine. Et en époussetant un petit animal stylisé - suédois, bien sûr - que George m'a offert, elle s'est exclamée à mi-voix : «Qu'il est laid !» Je le savais, je le sais depuis qu'il me l'a offert : mais l'entendre dire m'a fait me souvenir combien il est resté laid durant toutes ces années. Et le soupçon m'est venu qu'on ne veuille jamais se défaire des choses laides qui nous tombent entre les mains parce que nous pensons que notre voisinage peut les améliorer. Et ainsi, avec ce soupçon qui a entamé mon assurance, j'ai jeté le petit animal et je me suis décidée à vous parler.
Excusez-moi encore, mais j'ai besoin de vous pour être en mesure de me débarrasser de toutes les choses laides qu'il y a ici dedans. En parlant, à la réaction de qui vous écoute, on peut comprendre ce qu'il faut garder et ce qu'il faut jeter. J'ai besoin de vous pour me libérer de toutes les choses inutiles qui emplissent cette pièce. J'ai la bouche pleine de leur poussière. J'ai dit un minimum d'ordre, pas de vérité.
Vous aussi, vous associez le mot «ordre» au mot «vérité», et le mot «intelligence» au mot «bonté» ? J'ai toujours fait cette erreur. Ne vous méprenez pas, il ne s'agit pas de «vérité» ; mais seulement d'un minimum d'ordre dans toutes ces «non-vérités», dans lesquelles, en naissant, ou mieux - comme disait mon frère Ivanoe - en tombant du célèbre chou sur la terre, je me suis retrouvée d'abord à ramper, et ensuite à marcher. Je ne voudrais pas jeter le discrédit sur les morts et sur les vivants que j'ai rencontrés, mais vu que m'ont été dits, comme à tout le monde du reste, plus de mensonges que de vérités, comment pourrais-je maintenant, moi, espérer vous parler en imaginant arriver à un ordre-vérité ? Et non : je crois vraiment que cet effort, l'effort que je vais faire pour ne pas mourir étouffée dans le désordre, sera une belle enfilade de mensonges.
Présentation de l'éditeur :
" Voici deux superbes textes autobiographiques de Goliarda Sapienza, antérieurs à son grand roman L'Art de la joie, mais qui ont déjà l'écriture abrupte et poignante. " Le Monde diplomatique

" Chaque personne a droit à son propre secret et à sa propre mort. Et comment puis-je vivre ou mourir si je ne rentre pas en possession de ce droit qui est le mien ? C'est pour cela que j'ai écrit, pour vous demander de me rendre ce droit. [...] et si je meurs foudroyée par l'éclair de la joie, si je meurs vidée de mon sang par les blessures ouvertes d'un amour perdu que rien n'aura pu refermer, je vous demande seulement ceci : ne cherchez pas à vous expliquer ma mort, ne la cataloguez pas pour votre tranquillité, mais tout au plus pensez en vous-mêmes : elle est morte parce qu'elle a vécu. "

La matière de L'Art de la joie est déjà présente dans ces écrits existentiels ; bien de ses éléments transmués aboutiront à cette autobiographie essentielle qu'est tout véritable roman. Où Goliarda Sapienza va mettre en jeu sa propre vie, comme elle la met en jeu ici, directement, avec une intrépidité, une force, un discernement, d'autant plus émouvants qu'ils naissent de la fragilité que nous lui découvrons.
De quels enchantements, de quel chemin plein d'entraves sont issus sa puissance et son art de la joie ? Lisons, pour le savoir, ce double témoignage qui s'offre comme une archéologie de Modesta.


Le Fil d'une vie rassemble Lettre ouverte et Le Fil de midi, deux récits autobiographiques de Goliarda Sapienza, l'auteur de L'Art de la joie paru en 2005 aux Éditions Viviane Hamy.

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  • ÉditeurViviane Hamy
  • Date d'édition2008
  • ISBN 10 2878582675
  • ISBN 13 9782878582673
  • ReliurePoche
  • Nombre de pages256
  • Evaluation vendeur

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