Un mot de l'auteur :
Mangez-moi, c'est l'histoire de Myriam qui, au terme d'un parcours de vie, et même d'un parcours de plusieurs vies assez chaotiques, décide d'ouvrir un restaurant sans avoir aucune idée de ce que monter une entreprise représente. Tout ce qu'elle sait faire, c'est faire à manger, et c'est déjà beaucoup parce que, comme elle l'explique, elle fait à manger pour et par amour. Elle est donc très ambitieuse quant à sa cuisine, et très peu ambitieuse quant au profit. Elle va se heurter, bien sûr, à des tas de difficultés, matérielles en particulier : poursuivie par les huissiers, etc. Il y a donc toute l'aventure de Myriam et du fonctionnement de cette entreprise. Parallèlement, nous allons revenir avec elle sur son passé, un passé hanté, douloureux, très compliqué, et qui revient avec un rythme régulier, comme une marée, alors qu'elle est en train de s'échiner à faire marcher sa petite affaire qui s'appelle Chez moi. Son restaurant s'appelle Chez moi, parce que non seulement, elle y travaille, mais elle y dort aussi. Elle y accueille des tas de gens très différents dont beaucoup vont l'aider à s'en sortir, à faire fonctionner ce lieu qu'elle voit comme un lieu utopique. Elle aimerait que ce soit une sorte d'invention d'une société où tout serait possible, où tout le monde pourrait cohabiter, où les enfants pourraient être avec les adultes et inversement, où chacun pourrait trouver de quoi satisfaire ses appétits, puisque toutes les formes d'appétit passionnent Myriam. Cela a été une des raisons de sa perte, puisqu'on va découvrir, au fil du roman, qu'elle porte une faute, même plusieurs fautes douloureuses avec lesquelles elle a du mal à vivre et que ces fautes sont justement liées aux appétits, sexuels en particulier. C'est quelqu'un qui passe d'un appétit à l'autre d'une certaine manière, qui essaie de dompter le désir charnel en le canalisant, de passer d'une chair à l'autre, disons. C'est donc l'histoire de Myriam, de sa réconciliation avec son passé et de sa possible rédemption. Je vous souhaite une bonne lecture. Mangez-moi, cela veut aussi dire : lisez-moi, bien sûr...
(Propos recueillis par téléphone)
Extrait :
Suis-je une menteuse ? Oui, car au banquier, j'ai dit que j'avais fait l'école hôtelière et un stage de dix-huit mois dans les cuisines du Ritz. Je lui ai montré les diplômes et les contrats que j'avais fabriqués la veille. J'ai aussi brandi un BTS de gestion, un très joli faux. J'aime vivre dangereusement. C'est ce qui m'a perdue, autrefois, c'est ce qui me fait gagner à présent. Le banquier n'y a vu que du feu. Il a accordé l'emprunt. Je l'ai remercié sans trembler. La visite médicale ? Pas de problème. Mon sang, mon précieux sang est propre, tout propre, comme si je n'avais rien vécu.
Suis-je une menteuse ? Non, car tout ce que je prétends savoir faire, je sais le faire. Je manie les spatules comme un jongleur ses massues; tel le contorsionniste, j'actionne avec souplesse, et indépendamment, les différentes parties de mon corps : d'une main je lie une sauce tandis que, de l'autre, je sépare les blancs des jaunes et noue des aumônières. Les adolescents aux lèvres duveteuses et au front constellé de boutons, le cheveu gras sous leur calot de marmiton, peuvent, il est vrai, maîtriser l'ambre d'un caramel à jamais moelleux, ils vous dressent un rouget sans perdre un milligramme de chair et tricotent la crépinette comme autant de Pénélope. Mais. MAIS ! Fourrez-les dans une cuisine avec cinq gosses qui braillent, meurent de faim, jouent dans vos pattes et doivent repartir à l'école dans la demi-heure (l'un est allergique aux produits laitiers, et l'autre n'aime rien), jetez nos braves apprentis chefs dans cette fosse aux lionceaux, avec un frigo vide, des poêles qui attachent, et le désir de servir aux bambins un repas équilibré, puis regardez-les faire.
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