Présentation de l'éditeur :
Traduit du tchèque par Xavier Galmiche
Y eut-il jamais destin de poète plus touchant que celui de Mâcha ? Jeune homme prodige à la tête bouillonnante et aux moeurs frondeuses, le meilleur et le plus décrié des écrivains d'une génération héroïque qui dotait enfin la nation tchèque en pleine renaissance d'une oeuvre que l'époque crut aussi romantique qu'elle l'exigeait, et la victime d'un accident bête à l'âge de vingt-six ans, le jour où aurait dû être célébré son mariage. Pour la première fois, Xavier Galmiche nous offre la traduction française de ses plus beaux textes : son «roman romantique» Les Gitans, des récits historiques dans lesquels il fait revivre une Bohême médiévale pleine de chevaliers, de bourreaux et de brigands, des contes fantastiques comme Le Pèlerinage aux Monts-des-Géants ou Retour, des récits empreints de matière autobiographique, Images de ma vie, Un soir au Mont Bezdèz, Marinka, des fables à la limite du dialogue philosophique, Dissension des mondes, et bien sûr son grand poème Mai qui donna son envol à la littérature tchèque moderne. Il y ajoute son Journal qui permet d'entrevoir sur le vif la vie sociale et intime de l'écrivain ainsi que la genèse de ses oeuvres.
Karel Hynek Mâcha (1810-1836), fils insatisfait d'une famille déclassée, prit part très tôt à la vie culturelle de Prague. Sa correspondance et ses carnets, dont les passages erotiques sont en langage chiffré, témoignent des péripéties de sa liaison avec Lori, qu'il idéalisa dans le récit Marinka, l'un des seuls textes publiés, avec le poème Mai, du vivant de l'auteur.
Xavier Galmiche enseigne la littérature tchèque à la Sorbonne. Il a traduit du tchèque en français une dizaine d'oeuvres contemporaines ou classiques.
Les Classiques du Monde est une collection de grands textes fondateurs, traduits pour la première fois en français.
Extrait :
Un soir au mont Bezdĕz
Mâcha aurait conçu Images de ma vie comme un cycle de récits fondé sur des images frappantes, où aurait peut-être figuré Dissension des mondes (p. 183). Il n'en acheva que deux, Un soir au mont Bezdĕz et Marinka.
À son ami Sabina, Mâcha aurait confié : «J'en recèle un bon stock, d'images de ce genre ! Sitôt que je me serai épanché sur ces éléments démoniaques qui maintenant me dominent, je reviendrai à la vie des gens. Pour l'heure, seuls leurs côtés excentriques sont apparus à mes yeux, peut-être sympathiserai-je avec leurs côtés plus communs une fois que je les connaîtrai.» (Sabina, 1858, p. 342).
Un soir au mont Bezdĕz fut probablement rédigé à la Pentecôte (18 mai) 1834 et publié dans la revue Kvĕty (22 mai 1834). Le texte reprend parfois mot pour mot des paragraphes du Carnet de notes de l'auteur, datant d'une excursion de 1832 au mont Bezdĕz. Plus que d'un récit, il s'agit d'une méditation motivée par une image poignante (une femme enterrant son enfant) et interprétée comme une vision fantastique. Un soir au mont Bezdĕz est l'une des étapes dans la formation d'une métaphysique visionnaire et pessimiste dont le Pèlerinage au Mont-des-Géants (p. 191) donnera une illustration spectaculaire.
À plus d'un il semblera étrange que je commence ces images de ma vie par un soir, comme si le crépuscule se faisait déjà en mon âge encore si juvénile. Et ceci me paraît aussi bizarre : chez moi, tout commence avec le soir, et de telle manière que je me suis habitué à considérer que le début de tout est le soir, et le soir, le début de tout; et ainsi même ma jeunesse, le premier âge de ma vie, me semble soir; et de la sorte, toutes les fois que j'ai vu dans un livre comparer la vie humaine aux fractions du jour, j'ai jugé qu'il ne convenait pas de rapprocher le temps de l'enfance et de la jeunesse au matin, non plus qu'appeler l'adolescence midi, ni de joindre l'âge adulte à l'après-midi et la vieillesse au soir et à la nuit; mais il m'est toujours apparu qu'il fallait appeler l'enfance soir, l'adolescence nuit, et ainsi de suite.
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