Extrait :
TINTIN AU CONGO
Je joue aux petites voitures. J'en possède au moins quinze, dont une ambulance, un camion de pompier et une voiture de police. J'ai aussi une petite moto, mais je ne joue guère avec. D'ailleurs, je ne la range pas avec les petites voitures dans le sac en plastique jaune. Je l'abandonne le plus souvent dans le tiroir droit de la commode au milieu d'autres objets abandonnés par Papa Maman : un horaire des Ferrovie dello Stato, un jeu de cartes napoletane, des ciseaux, un cendrier en lave du Vésuve, des cartes postales, des photos, une clé, un chapelet, trois marrons...
D'habitude, je vide d'un coup le contenu du sac en plastique jaune sur le lino du salon. Je parque les voitures, soit contre les plinthes, soit contre les pieds des chaises ou de la table. L'ambulance, le camion de pompier et la voiture de police forment une unité. Elles attendent d'éventuelles alarmes sous le fauteuil. J'attribue à chaque voiture un parcours bien défini. Par exemple, le coupé sport partira du pied de la table, ira faire le plein au radiateur, puis quelques courses au morbier. L'ambulance, le camion de pompier et la voiture de police font leurs devoirs à chaque fois que cela est nécessaire : accidents, cambriolages, incendies... Mais ils sont aussi les seuls à pouvoir circuler au-delà des limites du salon, comme si la cuisine et la chambre à coucher de Papa Maman représentaient des contrées pleines d'autorités.
Je ne veux pas devenir docteur, ni pompier, encore moins policier. Quand je serai grand, je serai conducteur de locomotive.
Tous les étés, tous les Noëls, souvent à Pâques, nous retournons à Gioia en train. Les préparatifs de départ ne sont jamais agréables. Papa Maman se disputent systématiquement en préparant les valises. Il y a toujours mésentente sur la quantité de chocolat à emporter pour la famille, sur les vêtements à prendre, sur le pique-nique à préparer. On vérifie mille fois la validité des billets, des passeports et la grille des horaires. «Départ à 21h27 ?... La dernière fois, c'était à 21h25... Ils ont dû se tromper... De toute façon, mieux vaut arriver à la gare bien à l'avance...» On cache l'argent, un peu dans la poche que Maman a cousue dans un slip de Papa, un peu dans le soutien-gorge de Maman, un peu dans le revers d'une ceinture «coffre-fort» dont le seul loquet est une fermeture éclair.
Présentation de l'éditeur :
Mon enfance est derrière moi.
«C'est la vraie marche. En avant, route !»
Arthur Rimbaud
«Il y a un commencement. Il y a une fin. Entre les deux : le grandir.
J'ai toujours grandi avec beaucoup de questions et très peu de réponses. Et si au départ, j'avais soif de réponses, je vouai par la suite un véritable culte aux questions. Quelques années de moins que la Lune tente de reconstituer les chemins, devrais-je dire les labyrinthes, qu'il faut parcourir pour aller d'une question à l'autre. Pourquoi je suis né ? Qui est mon père ? Qui est ma mère ? Pourquoi j'écris ? Dans quelle mesure le vécu façonne l'imaginaire ? Dans quelle mesure l'imaginaire façonne le vécu ? A sept ans, je décidai d'être écrivain. Trente ans plus tard, le petit roman que j'entamais alors n'est toujours pas achevé. À l'ombre d'oeuvres essentielles qui ont jalonné mon enfance et mon adolescence, je raconte ici l'histoire de ce texte primitif, en retrouvant un peu des matériaux qui forgent un esprit, mais surtout, en explorant l'architecture complexe du mystère qui nourrit la création». Germano Zullo
Germano Zullo, né le 16 mai 1968 à Genève, acquiert la nationalité suisse en 1985. Il obtient en 1990 la maturité de l'Ecole supérieure de commerce de Malagnou, puis voyage deux ans en Europe. De 1992 à 2002, il travaille comme comptable. Dès 1996, il publie aux Editions La Joie de lire, avec l'illustratrice Albertine de nombreuses histoires pour enfants ainsi que la bande dessinée Lucette cherche un amoureux paraissant dans le magazine Femina. Il écrit aussi des histoires érotiques et des poèmes.
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