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Extrait :
Le chef de gare changea de redingote pour l'arrivée du train.
- Bon sang ! Comme le temps passe ! dit-il en étirant les bras. Il s'était quelque peu assoupi sur ses comptes.
Il ralluma un bout de cigare et sortit sur le quai. A le voir marcher de long en large, tiré à quatre épingles, les mains enfoncées dans les deux poches de sa redingote, on devinait l'ancien lieutenant. Le galbe de ses jambes trahissait aussi le cavalier.
Cinq ou six jeunes valets de ferme étaient arrivés et se tenaient là, jambes écartées, au niveau du bâtiment de la gare. L'employé avançait pour seul bagage une caisse peinte en vert qui semblait avoir été perdue sur le bord de la route.
La fille du pasteur, grande comme un soldat de la garde royale, ouvrit brutalement la barrière et pénétra sur le quai.
Le chef de gare la salua en claquant les talons.
- Que souhaite mademoiselle aujourd'hui ? demanda-t-il. Lorsque le chef de gare était sur le quai, il conversait sur le même ton qu'il employait jadis à Naestved, aux bals du cercle des hussards.
- Me promener, répondit la fille du pasteur.
Elle balançait toujours curieusement les bras en parlant, comme si elle avait l'intention de frapper son interlocuteur.
- D'illeurs mademoiselle Abel rentre aujourd'hui.
- Déjà ! De la capitale ?
- Ou-i.
- Et il n'y a toujours rien ? Le chef de gare fit jouer en l'air les doigts de sa main droite et la fille du pasteur se mit à rire.
- Tenez, voici sa famille qui arrive, dit-elle. J'ai évité leur compagnie et je me suis sauvée.
Le chef de gare salua la famille Abel, composée de la veuve et de sa fille aînée, Louise, mademoiselle Jensen les accompagnait. La veuve avait un air résigné.
- Je suis venue chercher ma petite Ida-Cadette. Madame Abel venait tour à tour chercher sa fille aînée uis la cadette. Louise au printemps et Ida à l'automne.
Elles passaient chaque fois six semaines chez une tante à Copenhague. «Ma soeur, la femme du Conseiller d'Etat», disait madame Abel.
La femme du Conseiller d'Etat logeait au quatrième étage et gagnait sa vie en peignant sur des vases de terre cuite des cigognes juchées sur une patte. Madame Abel expédiait toujours ses filles, les accompagnant de ses voeux les plus ardents.
Cela durait maintenant depuis dix ans.
- Cette fois, nous avons reçu de charmantes lettres d'Ida-Cadette.
- Et quelles lettres ! dit mademoiselle Jensen.
- Mieux vaut avoir ses poussins à la maison, disait madame Abel, et regardait Louise-Aînée avec tendresse. A cette pensée, il lui fallait s'essuyer les yeux.
Les mois qu'elles passaient à la maison, les «poussins» de la veuve les occupaient à se disputer et à coudre de nouvelles garnitures sur de vieilles robes. Jamais elles n'adressaient la parole à leur mère.
- Comment pourrait-on supporter l'existence dans ce coin perdu si l'on n'avait pas de vie de famille ? reprit madame Abel.
Mademoiselle Jensen hocha la tête. Des chiens aboyèrent près de la route qui tournait vers l'auberge. Une voiture s'avança.
- C'est Kiaer, dit la fille du pasteur. Que vient-il faire ?
Elle traversa le quai et se dirigea vers la barrière. Monsieur Kiaer, le propriétaire terrien, descendit de voiture.
- Oui - c'est une bonne question ! Voilà que Madsen attrape la typhoïde au moment où j'avais le plus besoin de lui et m'oblige à télégraphier pour qu'on m'envoie un remplaçant. Le diable seul sait quel oiseau rare on va me dépêcher ! Il doit arriver à l'instant...
Monsieur Kiaer pénétra sur le quai.
- Il est diplômé de l'école supérieure d'agriculture, comme si cela pouvait être utile à quelque chose - et reçu premier de sa promotion... Tiens ! Bonjour Bai.
Il serra la main du chef de gare.
- Y a-t-il eu des tournées organisées ces jours-ci ?... Comment va votre femme ?...
- Bien merci... Vous venez chercher votre régisseur aujourd'hui ?...
- Oui - sale histoire, et juste au pire moment...
Présentation de l'éditeur :
- Bon sang ! Comme le temps passe ! dit-il en étirant les bras. Il s'était quelque peu assoupi sur ses comptes.
Il ralluma un bout de cigare et sortit sur le quai. A le voir marcher de long en large, tiré à quatre épingles, les mains enfoncées dans les deux poches de sa redingote, on devinait l'ancien lieutenant. Le galbe de ses jambes trahissait aussi le cavalier.
Cinq ou six jeunes valets de ferme étaient arrivés et se tenaient là, jambes écartées, au niveau du bâtiment de la gare. L'employé avançait pour seul bagage une caisse peinte en vert qui semblait avoir été perdue sur le bord de la route.
La fille du pasteur, grande comme un soldat de la garde royale, ouvrit brutalement la barrière et pénétra sur le quai.
Le chef de gare la salua en claquant les talons.
- Que souhaite mademoiselle aujourd'hui ? demanda-t-il. Lorsque le chef de gare était sur le quai, il conversait sur le même ton qu'il employait jadis à Naestved, aux bals du cercle des hussards.
- Me promener, répondit la fille du pasteur.
Elle balançait toujours curieusement les bras en parlant, comme si elle avait l'intention de frapper son interlocuteur.
- D'illeurs mademoiselle Abel rentre aujourd'hui.
- Déjà ! De la capitale ?
- Ou-i.
- Et il n'y a toujours rien ? Le chef de gare fit jouer en l'air les doigts de sa main droite et la fille du pasteur se mit à rire.
- Tenez, voici sa famille qui arrive, dit-elle. J'ai évité leur compagnie et je me suis sauvée.
Le chef de gare salua la famille Abel, composée de la veuve et de sa fille aînée, Louise, mademoiselle Jensen les accompagnait. La veuve avait un air résigné.
- Je suis venue chercher ma petite Ida-Cadette. Madame Abel venait tour à tour chercher sa fille aînée uis la cadette. Louise au printemps et Ida à l'automne.
Elles passaient chaque fois six semaines chez une tante à Copenhague. «Ma soeur, la femme du Conseiller d'Etat», disait madame Abel.
La femme du Conseiller d'Etat logeait au quatrième étage et gagnait sa vie en peignant sur des vases de terre cuite des cigognes juchées sur une patte. Madame Abel expédiait toujours ses filles, les accompagnant de ses voeux les plus ardents.
Cela durait maintenant depuis dix ans.
- Cette fois, nous avons reçu de charmantes lettres d'Ida-Cadette.
- Et quelles lettres ! dit mademoiselle Jensen.
- Mieux vaut avoir ses poussins à la maison, disait madame Abel, et regardait Louise-Aînée avec tendresse. A cette pensée, il lui fallait s'essuyer les yeux.
Les mois qu'elles passaient à la maison, les «poussins» de la veuve les occupaient à se disputer et à coudre de nouvelles garnitures sur de vieilles robes. Jamais elles n'adressaient la parole à leur mère.
- Comment pourrait-on supporter l'existence dans ce coin perdu si l'on n'avait pas de vie de famille ? reprit madame Abel.
Mademoiselle Jensen hocha la tête. Des chiens aboyèrent près de la route qui tournait vers l'auberge. Une voiture s'avança.
- C'est Kiaer, dit la fille du pasteur. Que vient-il faire ?
Elle traversa le quai et se dirigea vers la barrière. Monsieur Kiaer, le propriétaire terrien, descendit de voiture.
- Oui - c'est une bonne question ! Voilà que Madsen attrape la typhoïde au moment où j'avais le plus besoin de lui et m'oblige à télégraphier pour qu'on m'envoie un remplaçant. Le diable seul sait quel oiseau rare on va me dépêcher ! Il doit arriver à l'instant...
Monsieur Kiaer pénétra sur le quai.
- Il est diplômé de l'école supérieure d'agriculture, comme si cela pouvait être utile à quelque chose - et reçu premier de sa promotion... Tiens ! Bonjour Bai.
Il serra la main du chef de gare.
- Y a-t-il eu des tournées organisées ces jours-ci ?... Comment va votre femme ?...
- Bien merci... Vous venez chercher votre régisseur aujourd'hui ?...
- Oui - sale histoire, et juste au pire moment...
Katinka, une jeune femme douce et timide, rencontre Bai, simple lieutenant de cavalerie. Lorsqu'il est nommé chef de gare dans un petit village, ils se marient et mènent une vie de petits bourgeois tranquilles.
Un jour le régisseur Huus arrive de Copenhague pour travailler dans la plus grande propriété de la contrée. Un amour naissant rapproche Huus de Katinka, mais lorsqu'ils en prennent conscience, la tranquillité de leur existence est rompue, et rien ne sera plus comme avant.
Naturaliste convaincu, Herman Bang est un écrivain qui doit beaucoup à Zola, Daudet et Maupassant, mais il donna à ce courant une direction inattendue. Un de ses plus fervents admirateurs, le peintre Claude Monet, voit en lui le premier écrivain impressionniste. Né au Danemark en 1857, il rêve d'être acteur, mais se lance dans l'écriture et s'installe à Paris où il introduit et met en scène Ibsen et Strindberg au Théâtre de l'Oere, dirigé par Lugné-Poë.
La plus grande partie de son oeuvre littéraire est écrite à l'étranger, notamment Katinka, considéré comme un de ses chefs-d'oeuvre. Proposé pour le prix Nobel en 1911, Bang le refuse, se jugeant indigne d'un si grand honneur. Peu de temps après, il meurt au cours d'une tournée de conférences aux Etats-Unis.
Herman Bang a inspiré de nombreux cinéastes, entre autres, Mauritz Stiller, Cari Th. Dreyer ou encore Max von Sydow, qui a porté Katinka à l'écran.
Un jour le régisseur Huus arrive de Copenhague pour travailler dans la plus grande propriété de la contrée. Un amour naissant rapproche Huus de Katinka, mais lorsqu'ils en prennent conscience, la tranquillité de leur existence est rompue, et rien ne sera plus comme avant.
Naturaliste convaincu, Herman Bang est un écrivain qui doit beaucoup à Zola, Daudet et Maupassant, mais il donna à ce courant une direction inattendue. Un de ses plus fervents admirateurs, le peintre Claude Monet, voit en lui le premier écrivain impressionniste. Né au Danemark en 1857, il rêve d'être acteur, mais se lance dans l'écriture et s'installe à Paris où il introduit et met en scène Ibsen et Strindberg au Théâtre de l'Oere, dirigé par Lugné-Poë.
La plus grande partie de son oeuvre littéraire est écrite à l'étranger, notamment Katinka, considéré comme un de ses chefs-d'oeuvre. Proposé pour le prix Nobel en 1911, Bang le refuse, se jugeant indigne d'un si grand honneur. Peu de temps après, il meurt au cours d'une tournée de conférences aux Etats-Unis.
Herman Bang a inspiré de nombreux cinéastes, entre autres, Mauritz Stiller, Cari Th. Dreyer ou encore Max von Sydow, qui a porté Katinka à l'écran.
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- ÉditeurEsprit ouvert
- Date d'édition2007
- ISBN 10 2883290652
- ISBN 13 9782883290655
- ReliureBroché
- Nombre de pages172
(Aucun exemplaire disponible)
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