Sept fois détruite et sept fois reconstruite, Beyrouth se réveille chaque matin comme si elle venait de naître. Une résistance sourde, organique, semble s'opposer à toute tentative d'ordonnancement. Ville insouciante, échevelée, avec ses nuits blanches, ses couleurs criardes, sa boulimie. Ville irresponsable, où se croisent sans se voir les rescapés des utopies d'hier, les nostalgiques de l'islam, les nouveaux riches et les miliciens devenus hommes d'affaires. Au milieu d'un décor délavé, on s'y égare à la recherche de mythes dont on ne retrouve plus les signes : représentations lyriques d'un éden d'avant-guerre ou images macabres de la violence déchaînée. Tout semble avoir été dit sur Beyrouth. Alors, c'est la tête vide et le coeur grand ouvert qu'il faut aller à sa rencontre. Et soudain, dans cette ville qui ne ressemble plus à rien à force de s'être brûlée à l'imaginaire des autres, se révèle un des défis de cette fin de siècle : inventer, avant qu'il ne soit trop tard, des espaces ouverts à la pluralité des appartenances, où l'expression des différences ne remette pas, à chaque fois par terre, les bases de la convivialité.
Avec Adonis, Ahmad Beydoun, Omar Bousbani, Christine Delpal, Jean Hannoyer, Samir Kassir, Elias Khouri, Jacques Liger-Belair. Amin Maalouf, Bilal Nsouli, Elisabeth Picard, Maud Santini, Jihane SfeirKhayat, Fawaz Traboulsi.
"On imagine volontiers que les grands chantiers de reconstruction en cours à Beyrouth sont le fruit de la guerre qui, durant quinze ans (1975-1990), l'a coupé en deux. Pourtant, si les destructions et les dégradations dues à la guerre sont réelles, la démolition du centre avait commencé bien avant et est un thème récurrent dans l'histoire de Beyrouth ; comme l'est aussi - avec une intensité particulière, même si aucune ville n'y échappe - le bras de fer permanent entre réglementations urbaines et spéculation foncière, contre lequel achoppent les entreprises de planification successives. […] Encore très marginale dans les années soixante, l'idée que le patrimoine bâti dans toute sa diversité, y compris celui du XXe siècle, est constitutif de l'identité d'une ville, comme l'est aussi la diversité sociale et culturelle, a depuis fait son chemin et devrait éclairer les futurs projets d'aménagement" (Gwenaël Querrien, directrice de la collection).