Extrait :
L'ACTUALITÉ DE LA CITOYENNETÉ EUROPÉENNE
Bénédicte FAUVARQUE-COSSON et Judith ROCHFELD
Les universitaires français, conscients de l'importance croissante du rôle des «experts» dans la société et auprès des institutions européennes, se sont mobilisés en créant Trans Europe Experts (TEE), en 2009. TEE constitue un vivier d'experts en droit, français et européens, universitaires, professionnels du droit, acteurs politiques et associatifs. Ces experts sont répartis en pôles de compétence correspondant aux champs des discussions européennes. Très vite, TEE a pris place dans les grands débats juridiques européens du moment, notamment par des réponses aux livres verts de la Commission européenne. Très vite également, TEE a ressenti la nécessité de s'intéresser à la question cruciale de la citoyenneté européenne et de la placer au coeur de son action et de ses réflexions.
C'est donc tout naturellement que ce thème a été retenu pour constituer celui du deuxième forum annuel de Trans Europe Experts, qui s'est tenu à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, le 1er avril 2011. C'est également pourquoi, afin de prolonger ce premier événement, une matinée de travail consacrée à cette question a suivi, le 15 septembre 2011, au Conseil supérieur de notariat, en présence de la Vice présidente de la Commission européenne et directrice générale de la DG justice, Madame Viviane Reding. Dans l'une et l'autre de ces enceintes, les débats ont porté sur la construction du citoyen européen ainsi que sur l'effectivité des droits qui en résultent.
1. La construction du citoyen européen
Du temps de la communauté économique européenne, les hommes étaient saisis dans leurs habits de marché. On était consommateur, travailleur ou entrepreneur. On n'était pas citoyen.
Ce n'est qu'avec la consécration de la citoyenneté européenne intervenue en 1993, par le Traité de Maastricht, qu'une nouvelle direction a pu être prise. Le Traité d'Amsterdam de 1997, en communautarisant les politiques d'immigration, et la Cour de justice des communautés européennes, dès les années 1990, pousseront à donner corps à cette notion de citoyen européen. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, lui donnera son habit textuel. Ce texte, en effet, intronise non seulement la notion de citoyen européen dans la deuxième partie du Traité (au sein de l'article 20) et en décrit les droits qui y sont attachés (aux articles 21 et suivants), mais il reconnaît également la portée contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et son contrôle par la Cour de Justice de l'Union européenne.
C'est d'ailleurs la Cour qui, par la suite, par petites touches, a élaboré un véritable statut du citoyen européen. Elle l'a tout d'abord fait pour garantir la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne. Elle a utilisé la notion, ensuite, pour accorder de nouveaux droits aux ressortissants européens. De façon plus inattendue, enfin, elle l'a adoptée comme fondement pour accorder des droits à des ressortissants d'États tiers. D'abstraite et économique, la notion de citoyenneté européenne est devenue concrète et humaniste. Elle ne se substitue pas à la citoyenneté nationale (elle se trouve d'ailleurs conditionnée à la nationalité d'un État membre), mais elle confère désormais un ensemble de droits qui viennent s'y surajouter.
La Commission et le Parlement européens ne sont pas en reste. Par le biais d'une notion de citoyenneté européenne qui ne se coule plus toujours dans le carcan juridique technique des articles 20 et suivant du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ils ont entendu, au travers d'une notion devenue plus politique et floue, saisir la vie quotidienne des citoyens dans tous ses aspects. L'idée défendue tient en ce que nul ne se sentira véritablement citoyen européen sans une considération de ce qui en fait la spécificité, à savoir l'européanisation de la vie privée, de la vie familiale, des droits politiques, des achats ou encore de la fiscalité.
Présentation de l'éditeur :
La notion de citoyenneté européenne a été introduite en 1992 dans le Traité de Maastricht. Elle fait désormais partie des «dispositions relatives aux principes démocratiques» du Traité sur l'Union européenne et son régime juridique est décrit dans la deuxième partie du TFUE. Bien que les conséquences de cette attribution soient circonscrites dans les textes (les droits ouverts sont décrits avec précision aux articles 21 et suivants TFUE), la citoyenneté européenne se trouve plus largement invoquée et son sens, à l'origine technique, se teinte aujourd'hui de connotations plus politiques. Le «Programme de Stockholm» et le plan d'action qui a suivi ont ainsi fait du citoyen européen la figure centrale autour de laquelle doit se construire l'espace de liberté, sécurité, justice.
Ce glissement se résume-t-il au maniement d'un slogan politique quelque peu vide de contenu juridique précis ou marque-t-il, à l'inverse, une immense évolution en cours ? Dans l'affirmative, sera-t-elle de nature à améliorer concrètement et pratiquement la vie des Européens sur l'ensemble du territoire de l'Union ?
Alors que l'idée même d'Europe unie semble aujourd'hui menacée, peut-on fonder sur la citoyenneté le projet de créer une nouvelle communauté de destin et d'intérêts, en Europe et au-delà ?
Cet ouvrage explore les avancées récentes de la notion de citoyenneté européenne, qu'elle soit saisie par les différentes instances européennes ou par les pouvoirs publics et les divers acteurs juridiques en France. Il tente de tracer également les pistes susceptibles de lui permettre de remplir un rôle décisif dans le projet européen.
L'ouvrage rassemble les contributions des intervenants au Forum annuel de TEE consacré à la citoyenneté européenne et celles de la matinée du 15 septembre 2011, en présence de Viviane Reding, vice-présidente de la commission et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté.
Ont participé à cet ouvrage : Loïc Azoulai, Catherine Brouard-Gallet Mireille Delmas-Marty, Bénédicte Fauvarque-Cosson, Alain Lamassoure, Françoise Le Bail, Etienne Pataut, Judith Rochfeld, Viviane Reding, Jean-François Sagaut, Vassilios Skouris, Jean Tarrade
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