Extrait :
Michel Butor, quatrième enfant d'une famille qui en comptera huit, est né en 1926 à Mons-en-Baroeul, dans le nord de la France. Son père, Emile, entré dans l'administration des Chemins de fer après des études de droit, est passionné par le dessin et graveur à ses heures. C'est sans doute lui qui a donné à son fils le goût des arts. Annette, sa mère, devient totalement sourde alors que le jeune Michel n'a que sept ans - il en a été très affecté et l'événement n'est peut-être pas sans rapport avec l'extrême sensibilité musicale qui sera la sienne.
Une autre figure familiale compte tout particulièrement : celle de Marie Brajeux, la grand-mère maternelle, qui accueille toute la famille dans son appartement de la rue du Cherche-Midi quand le père est muté à Paris. Michel a vécu à ses côtés dès l'âge de trois ans, et c'est certainement elle qui lui a transmis la passion des livres. En témoignent, très présents à sa mémoire, les souvenirs des vacances dans la maison familiale de la Villetertre, ceux de l'exploration de la fabuleuse bibliothèque et des immenses lectures de jeunesse, notamment celle de Jules Verne.
«Avant et pendant la guerre, j'allais toujours passer mes vacances, avec mes six frères et soeurs et six cousins germains, dans un village du Vexin français où notre grand-mère possédait une maison, ou plutôt deux; la seconde, de l'autre côté d'une ruelle, abritait dans une de ses chambres un gros meuble de sacristie plein de livres. Il y avait aussi une bibliothèque dans le bâtiment principal, mais on n'y laissait que les ouvrages «lisibles» soit pour les parents, soit pour les enfants. Les vieux livres illisibles, parfois fort beaux, des éditions anciennes de Montesquieu et de Rousseau, étaient relégués de l'autre côté.
Une fois par an, nous étions conviés à les nettoyer. Nous mettions de grands tabliers, nous armions de torchons, sortions tous les livres et tous les objets «inutilisables» comme les livres étaient «illisibles», mais tout aussi fascinants : une mâchoire de requin, des épaulettes d'huissier, des boîtes à herboriser, de vieux moules à pâtisserie, des cornues anciennes en verre très épais...), remettions sur les planches de nouvelles feuilles de journaux, essuyions tout et rangions tout.
Merveilleux moments dans les tourbillons de poussière, le froissement des pages et des reliures.»
Présentation de l'éditeur :
Michel Butor est né en 1926. Formé dans le milieu littéraire parisien, il quitte la capitale dès les années 1950 pour endosser un rôle de professeur itinérant à travers le monde et poursuivre en nomade sa carrière d'écrivain.
Son troisième livre, La Modification, en fait l'un des auteurs les plus renommés du «nouveau roman» - genre qu'il abandonne dès 1960. Dès lors, paraîtront sous sa signature des récits de voyages tout à fait originaux, de la poésie née de la fréquentation des artistes, ainsi que des essais de critique littéraire et artistique. Auteur de plus de mille titres, explorateur infatigable, Michel Butor donne l'impression de vouloir décrire la totalité du monde.
Pour donner un aperçu de ce travail tous azimuts, Marie Minssieux-Chamonard a retenu des thèmes («Le Génie du lieu», «Matière de rêve», «l'Oeuvre totale») qui ont jalonné cet itinéraire. Cet ouvrage, qui s'articule autour d'un vaste choix de citations et d'iconographies, rend compte de l'authentique liberté de ce créateur sans mesure, d'une oeuvre atypique, dense et abondante, à la fois célébrée et méconnue.
Marie Minssieux-Chamonard archiviste-paléographe, est conservateur à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, chargée des collections contemporaines. Elle est l'auteur d'une thèse sur les livres illustrés de Michel Butor et a été commissaire de l'exposition, Michel Butor l'écriture nomade, à la Bibliothèque nationale de France, en 2006.
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