En territoire Auriaba - Couverture souple

Lafargue, J�r�me

Couverture souple

ISBN 10 : 2915018839 ISBN 13 : 9782915018837

Editeur : QUIDAM EDITEUR, 2015

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Extrait :

32�45'07.6"N
9�00'24.2"W
A quelques milles au large de Oualidia, c�te marocaine
Le 20 octobre 1854, au petit matin
Temps tr�s frais, oc�an calme, ciel d�gag�

Le rafiot d'A�mane se dandine au gr� d'un doux roulis depuis qu'il a affal� la grand-voile. Le vent Fa conduit plus loin qu'� l'accoutum�e, au terme de multiples virements de bord. �tonnant ce souffle serein, qui s'est tu d'un coup. Par acquit de conscience, A�mane a p�ch� quelques sardines, mais il n'est pas venu pour cela, il n'en a pas besoin. Sa trentaine finissante a d� une nouvelle fois affronter la col�re de son fr�re a�n� la veille au soir. Les ruelles du village r�sonnent encore de ses invectives. Il lui faut toujours une bonne raison pour s'attaquer � lui. Il vit seul, il ne travaille pas assez, c'est un r�vasseur, un bon � rien. Quelle plaie ! Pourquoi n'aurait-il donc pas le droit d'exister selon ses propres principes ? Plut�t que de subir encore ces r�criminations, il a pr�f�r� s'�clipser � l'aube, et ainsi calmer la violence qui monte en lui d�s que l'autre se met � crier. La chance ne l'abandonnant pas tout � fait, il a pu sortir de la lagune par le chenal principal � la faveur d'une mar�e haute. Non que la profondeur ait jamais �t� insuffisante pour partir, mais il trouve plus agr�able de gagner l'oc�an sans risquer de racler le fond avec la quille.
A�mane s'est assis � la proue de son embarcation, son poing gauche serrant P�tai. Le clapotis des vaguelettes contre la coque �clabousse parfois ses jambes pendantes. Il regarde l'horizon sans le voir, il pense � ce petit bateau qu'il a construit de ses mains, qui est sa seule possession, sa seule fiert�. Il se souvient des quolibets lorsqu'il le mit � l'eau pour la premi�re fois et qu'il s'est essay� � la manoeuvre. Plusieurs jours avaient �t� n�cessaires avant qu'il ne comprenne les logiques du vent. Au bout de deux semaines, gr�ce � des conditions favorables, il avait r�ussi � dompter son mat�riel et sa peur. A�mane �tait un paria parmi la communaut�, mais un paria craint et sans doute respect�. Il ne s'expliquerait jamais l'attention dont Pavait entour� alors cet explorateur fran�ais avec lequel il avait li� connaissance voil� une quinzaine d'ann�es. Apparu par surprise, suscitant la plus grande m�fiance en d�pit de la protection du sultan, il n'�tait rest� que trois jours, accompagn� de trois guides de Tanger, o� r�sidait la grande majorit� des Europ�ens. Tous les deux communiquaient essentiellement � l'aide de dessins, car ses compatriotes refusaient de traduire les propos d'un pauvre tel que lui, en d�pit des admonestations du jeune Fran�ais. Pas beaucoup plus vieux qu'A�mane, il le pressait de l'accompagner sur le rivage, insistant sur la qualit� du vent dans la r�gion, puis ils d�ambulaient dans la partie haute du village, pour mieux distinguer la trace des courants. Et il griffonnait dans un calepin coques, m�ts, barres de d�rives, donnait plusieurs exemples de gr�ements, lui enseignait la fa�on d'assembler les diff�rentes pi�ces de bois, le moyen de les traiter puis de les entretenir. Pour finir par exiger de l'un de ses guides la traduction des termes les plus importants, moyennant une substantielle augmentation des �moluments du coquin. Puis il fit quelque chose qui laissa A�mane pantois, et enracina le jeune homme dans le rejet social et un univers de f�erie int�rieure, ce qui en r�alit� lui convenait miraculeusement. (...)

Pr�sentation de l'�diteur :

� J ai toujours pens� que ce monde-ci est trop petit, ou plut�t que ce que l on nous donne pour r�alit� ne constitue qu une infime partie de l infinit� du monde. Nos r�ves, la force et l inventivit� de notre imaginaire le d�ploient d�j� dans des directions inattendues, mais il y a davantage. Il m arrive de prendre des d�cisions incongrues alors que je souhaitais faire le contraire. Au dernier moment, j op�re un revirement incompr�hensible � mes yeux, j accepte de vivre avec un choix dont je ne saisis pas la n�cessit� ou l int�r�t, mais je me dis que ce n est pas grave, que ce qui me semble une impasse ou une imb�cillit� est bien � l inverse le chemin qu il fallait suivre. Je r�it�re des gestes, reviens dans des endroits, revois des personnes sans qu aucune raison objective le justifie, seulement parce que je sais dans mon for int�rieur que je le dois, pour faire mieux que je n ai su jusqu alors, non pas tant pour celui que je suis � ces moments pr�cis, mais pour celui que je serai, ou ai �t� dans un autre monde, ou une autre vie. Ou pour quelqu un qui a disparu, n est pas encore n�, quelqu un que peut-�tre je ne rencontrerai jamais ou qui n existe que dans mes r�ves. �

Le comportement insolite d un jeune gar�on orphelin de p�re plonge dans l inconnu deux vieux amis, Archibald et La Serpe. Ils se retrouvent sur la piste d un fugitif qui tente de les perdre dans une for�t immense et flamboyante. Mais ils ne sont pas les seuls � mener la traque... Prot�iforme et � l'imagination virtuose, En territoire Auriaba est le quatri�me roman de J�r�me Lafargue, n� en 1968 dans les Landes.

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