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Extrait :
J'aime voyager en train. Si l'avion est rapide, la voiture pratique, le moyen de transport le plus érotique est sans conteste le train. Dès mon enfance, le rythme entêtant du chemin de fer s'associa à une sensation trouble et interdite.
- Ah mes chers enfants ! d'être parmi vous ! Vous ne devinerez jamais ce qui m'est arrivé dans le train... Une histoire incroyable ! IN-CROY-ABLE ! !
Mon chéri, va vite me chercher un verre d'eau; et toi, ma petite Françoise, demande à ta mère de donner un pourboire au chauffeur... Comme tu as grandi mon amour !
Les enfants s'éparpillaient en glapissant dans la grande maison ; des effluves capiteux de rose et de musc pénétraient les esprits d'un souffle un peu fou à chacune des envolées de jupes de ma tante. Ma mère d'ordinaire si réservée participa a la joyeuse excitation avec des rires de jeune fille.
Le verre d'eau prestement apporté, le chauffeur payé et débarrassé des bagages multiples, baroques, incongrus - pourquoi deux cartons à chapeau pour un séjour de quelques jours à la campagne ? - tout le petit monde de La Chênaie s'assembla autour du fauteuil où trônait Tante Claude.
Elle avait lancé au loin ses escarpins, mis haut ses pieds sur un pouf. En s'éventant d'un mouvement las de sa robe, elle attendait le silence pour nous conter l'in-croy-able aventure de son voyage. Je m'assis sur le tapis et de ma place je découvrais, dans un mélange de concupiscences et de dégoût, la peau parcheminée de ses cuisses, au bronzage uniforme taché de noir.
Ma mère se recroquevilla en tailleur dans une bergère. Elle fixait ma tante d'un regard admiratif et fiévreux, tel celui d'un enfant qui rencontre un astronaute encore couvert de poussière de lune. Qu'elle semblait sage et douce, avec ses cheveux gris, coupés mi-long, son éternelle robe de liberty fleurie au col rond de dentelle, à côté de cette soeur qui jouait au casino, portait des jupes à falbalas et dépensait avec insouciance l'argent d'un mari défunt et depuis longtemps oublié.
Ma mère ! Dont l'univers tranquille, à peine troublé par le chant matinal des oiseaux, s'écoulait au milieu du jeu de ses enfants. Pour qui la sortie mensuelle avec mon père, «en amoureux», dans le théâtre de la ville voisine, emplissait pendant de longues semaines ses conversations.
Une fois l'an, tante Claude débarquait avec ses bagages, ses rires et ses parfums. Maman délaissait alors avec un plaisir malicieux ses calmes activités de mère de famille pour passer de longues heures à pouffer de confidences échangées à mi-voix. Nous n'avions, à notre grand regret, pas le droit de les partager. Nous les regardions avec envie et une curiosité comblée par d'affreuses suppositions, se promener dans les allées, les bras mêlés dans une connivence de lycéennes.
- Les enfants ! Allez jouer pendant que nous parlons, Tatie Claude et moi.
- Oh non, maman ! Laisse-nous rester ! fit le choeur exagérément déçu des enfants.
Nous estima-t-elle, ce jour-là, suffisamment «grands» pour connaître la vie dissolue de notre tante ? seuls les deux plus petits furent exilés. Ils n'en avaient que faire, préférant torturer les grenouilles et les hannetons du parc.
- J'adore voyager en train ! Les avions me font un peu peur et les voitures me rendent malade. Ah, mes chéris ! Le train me donne des frissons étranges et des pensées peu avouables... Je prends toujours un single : c'est feutré, confortable et j'évite ainsi l'abomination de ces wagons de seconde, ou même de première, où s'entasse la populace.
- À mon âge, on aime son petit confort, ajouta-t-elle en nous minaudant un petit sourire circulaire qui attendait notre vigoureux déni ; ne rencontrant que des grimaces niaisement affirmatives, elle poursuivit son récit.
Présentation de l'éditeur :
- Ah mes chers enfants ! d'être parmi vous ! Vous ne devinerez jamais ce qui m'est arrivé dans le train... Une histoire incroyable ! IN-CROY-ABLE ! !
Mon chéri, va vite me chercher un verre d'eau; et toi, ma petite Françoise, demande à ta mère de donner un pourboire au chauffeur... Comme tu as grandi mon amour !
Les enfants s'éparpillaient en glapissant dans la grande maison ; des effluves capiteux de rose et de musc pénétraient les esprits d'un souffle un peu fou à chacune des envolées de jupes de ma tante. Ma mère d'ordinaire si réservée participa a la joyeuse excitation avec des rires de jeune fille.
Le verre d'eau prestement apporté, le chauffeur payé et débarrassé des bagages multiples, baroques, incongrus - pourquoi deux cartons à chapeau pour un séjour de quelques jours à la campagne ? - tout le petit monde de La Chênaie s'assembla autour du fauteuil où trônait Tante Claude.
Elle avait lancé au loin ses escarpins, mis haut ses pieds sur un pouf. En s'éventant d'un mouvement las de sa robe, elle attendait le silence pour nous conter l'in-croy-able aventure de son voyage. Je m'assis sur le tapis et de ma place je découvrais, dans un mélange de concupiscences et de dégoût, la peau parcheminée de ses cuisses, au bronzage uniforme taché de noir.
Ma mère se recroquevilla en tailleur dans une bergère. Elle fixait ma tante d'un regard admiratif et fiévreux, tel celui d'un enfant qui rencontre un astronaute encore couvert de poussière de lune. Qu'elle semblait sage et douce, avec ses cheveux gris, coupés mi-long, son éternelle robe de liberty fleurie au col rond de dentelle, à côté de cette soeur qui jouait au casino, portait des jupes à falbalas et dépensait avec insouciance l'argent d'un mari défunt et depuis longtemps oublié.
Ma mère ! Dont l'univers tranquille, à peine troublé par le chant matinal des oiseaux, s'écoulait au milieu du jeu de ses enfants. Pour qui la sortie mensuelle avec mon père, «en amoureux», dans le théâtre de la ville voisine, emplissait pendant de longues semaines ses conversations.
Une fois l'an, tante Claude débarquait avec ses bagages, ses rires et ses parfums. Maman délaissait alors avec un plaisir malicieux ses calmes activités de mère de famille pour passer de longues heures à pouffer de confidences échangées à mi-voix. Nous n'avions, à notre grand regret, pas le droit de les partager. Nous les regardions avec envie et une curiosité comblée par d'affreuses suppositions, se promener dans les allées, les bras mêlés dans une connivence de lycéennes.
- Les enfants ! Allez jouer pendant que nous parlons, Tatie Claude et moi.
- Oh non, maman ! Laisse-nous rester ! fit le choeur exagérément déçu des enfants.
Nous estima-t-elle, ce jour-là, suffisamment «grands» pour connaître la vie dissolue de notre tante ? seuls les deux plus petits furent exilés. Ils n'en avaient que faire, préférant torturer les grenouilles et les hannetons du parc.
- J'adore voyager en train ! Les avions me font un peu peur et les voitures me rendent malade. Ah, mes chéris ! Le train me donne des frissons étranges et des pensées peu avouables... Je prends toujours un single : c'est feutré, confortable et j'évite ainsi l'abomination de ces wagons de seconde, ou même de première, où s'entasse la populace.
- À mon âge, on aime son petit confort, ajouta-t-elle en nous minaudant un petit sourire circulaire qui attendait notre vigoureux déni ; ne rencontrant que des grimaces niaisement affirmatives, elle poursuivit son récit.
Cinq récits. Des hommes et des femmes croisent leurs destins. Cinq rencontres avec le désir, transport, amoureux bien sûr. Cinq invitations au voyage dont chacun ignore où il l'emmène.
Hugues Paris est auteur de livres pour enfants et publie régulièrement des nouvelles. Il vit et travaille à Strasbourg en tant que psychiatre et psychanalyste.
Il a obtenu en 1996 le prix Cesare Pavese de la nouvelle francophone.
Hugues Paris est auteur de livres pour enfants et publie régulièrement des nouvelles. Il vit et travaille à Strasbourg en tant que psychiatre et psychanalyste.
Il a obtenu en 1996 le prix Cesare Pavese de la nouvelle francophone.
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- ÉditeurPetites Vagues
- ISBN 10 2915146489
- ISBN 13 9782915146486
- ReliureBroché
(Aucun exemplaire disponible)
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