Extrait :
Extrait de l'avant-propos de Charles MAESTRACCI
MONDIAL !
RIO ET COPACABANA, l'Amazonie et Bahia, le carnaval et la samba, la capoeira et le foot roi... Le témoignage de William da Silva Lima, dans lequel les faits parlent d'eux-mêmes, dévoile le revers de la «carte postale» de ce pays-continent où l'esclavage n'a été officiellement aboli qu'en 1888.
Vantée aujourd'hui par les médias et les «marchés», la croissance de l'économie brésilienne a surtout creusé les inégalités. Dans les quartiers où est confinée la plèbe, la corruption et la brutalité de la police sont structurelles et la délinquance inévitablement endémique : la débrouille souvent violente est l'unique clé de survie.
Et si la devise de l'État brésilien est Ordem e Progresso, elle pourrait aussi, comme partout ailleurs, se traduire par «Répression et Profit» : deux principes fondateurs en effet indissociables, mais régulièrement battus en brèche... Par des émeutes urbaines contre la vie chère ou des jacqueries de paysans sans terre... Par les résistances indiennes ou les faits d'armes des bandits sociaux... Par les mutineries dans les prisons ou les évasions collectives...
C'est à partir d'elles que l'auteur témoigne.
De ces exécrables lieux que l'on appelle pénitenciers, bagnes, camps de travail ou de concentration, centres de détention, prisons... De ces lieux de souffrances et de tortures appliquées sur des êtres humains par des êtres aux âmes viles et esclaves : «Ces enculés de salauds de merde appelés matons !», comme disait Georges Arnaud.
L'inframonde carcéral existe donc sous toutes les latitudes, du grand chaud au grand froid, sous la dictature comme en démocratie. Il est mondial !
Dans son récit, William, cet éternel poète rebelle, braqueur de banques à ses heures, démontre simplement qu'il était en guerre. En guerre contre l'injustice. S'il y a des prisons partout, c'est qu'il y a de l'injustice partout !
Ce hors-la-loi est avant tout un représentant d'une autre «loi», qui oeuvrait et oeuvre toujours à la réalisation du principe universellement proclamé - mais nulle part et jamais appliqué - du partage des richesses et de l'entraide.
Ainsi ce bandit s'est élevé contre le système injuste, la «Bête» capitaliste, dont la loi, qui supplante toutes les lois, est celle du profit : «Seul ce qui est rentable est juste !»
Cette gangrène mondiale implacable, cette saloperie perverse prolifère en faisant du fric de toute souffrance, extrayant même de la survaleur d'un système carcéral qui ressemble à l'industrie de la surpêche. Des armateurs et autres possédants (le système judiciaire et administratif) encadrent et financent des équipages (polices étatiques ou milices privées) chargés de ramener dans leurs filets de «gros poissons» (voyous d'envergure) et du «menu fretin» (petits délinquants), qui finiront tous en boîtes de conserve (en cellules), dans de petites ou vastes usines de conditionnement, véritables «prisons» dont la matière première est, comme les prisonniers, essentiellement «ferrée» dans les classes populaires.
«Dès 1820, on constate que la prison, loin de transformer des criminels en gens honnêtes, ne sert qu'à fabriquer de nouveaux criminels, ou à enfoncer encore davantage les criminels dans la criminalité. C'est alors qu'il y a eu, comme toujours dans le mécanisme du pouvoir, une utilisation stratégique de ce qui était un inconvénient. La prison fabrique des délinquants, mais les délinquants sont finalement utiles, dans le domaine économique comme dans le domaine politique.»
En somme, c'est un juteux business !
Mais si, hier, tout comme William, des gens braquaient des banques, eh bien, aujourd'hui - et ça crève les yeux -, c'est l'inverse : spéculateurs et banquiers - complices avérés des mafias et des riches fraudeurs -, politiciens de tous bords à leur service braquent, escroquent, dépouillent les peuples à une échelle infiniment plus vaste. Masqués, dans leurs tenues de camouflage aux noms d'austérité, de plan de rigueur, de crise économique, ils n'ont d'autre objectif que d'engranger un formidable butin en faisant fi des humains.
Présentation de l'éditeur :
Le Carioca William da Silva Lima, surnommé 'O Professor', a passé plus de 35 ans dans les prisons brésiliennes. Sous la dictature militaire, il fut l'un des fondateurs du 'Comando Vermelho', le 'gang' dont sont issus tous les gangs existant aujourd'hui au Brésil, une sorte de syndicat de bandits (qu'ils soient dehors ou détenus) en guerre contre l'État, qui ambitionnait de politiser les droits communs tout autant que de 'communiser' les politiques, en lutte permanente (de la dictature jusqu'à ladite démocratie actuelle) contre les conditions d'incarcération effroyables au Brésil. Il vit aujourd'hui à Rio, en liberté conditionnelle très surveillée. Ce récit simple et poignant, témoignage singulier d'un lutteur acharné, nous plonge dans un monde de déréliction mais aussi de résilience : le système carcéral brésilien depuis les années 1970. Pour résister à l'horreur, des prisonniers conscients s'organisent et imposent à leurs codétenus un code plus axé sur la solidarité et l'entraide que sur le racket et la débrouillardise ; ils affrontent aussi, souvent de manière sanglante, les forces répressives : police, justice, escadrons de la mort, ainsi que les gangs mafieux de prisonniers. Ce livre aborde un aspect de l'histoire récente du Brésil rarement traité en France.
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