Extrait :
LISA
Il y a le pays qu'un touriste peut découvrir en surface, celui de l'Histoire et des édifices, et il y a celui qu'on décide de voir tel qu'il est, en pleine immersion. C'est cette Égypte, celle du Printemps arabe, qui m'a touchée.
Chaque jour, les journaux se font écho de nouvelles tragiques, d'actualités plus ou moins tronquées pour passer l'information selon des critères décidés dans les comités de rédaction. Si je me sens très concernée par les événements qui ont marqué l'Égypte, c'est que je suis loin de ce rapport froid et distant qui s'établit lorsque l'on regarde le journal télévisé ou quand on lit la presse, toutes ces images qui heurtent un instant puis que l'on oublie aussitôt.
Les actualités affichent des chiffres et des dates quand je sais qu'il s'agit de mes amis présents là-bas, sur la place Tahrir. Je me souviens d'Hema me disant au téléphone : «Ya Lisa, je suis sur la place là, on y restera jusqu'à ce qu'il parte !» Je me souviens d'Ahmed en pleurs au bout du fil, à l'annonce de la démission de Moubarak, incapable de parler mais laissant échapper une joie qu'il n'arrivait pas à contenir... Il ne s'agit ni de chiffres ni d'un raccourci fait de statistiques. Il s'agit d'hommes et de femmes, d'émotions vécues.
Entre 2011 et 2013, je suis allée à quatre reprises en Égypte. De retour en France, l'atterrissage était à chaque fois plus difficile. Je m'informais de la situation, à la recherche de sources authentiques. C'est ainsi que j'ai découvert les écrits d'Heba Farouk Mahfouz.
Heba fait partie de ces activistes extrêmement suivis sur le web, car elle rend compte de la majorité des événements et documente chaque jour la situation de son pays. Elle est devenue un repère pour de nombreuses personnes, égyptiennes ou non, qui préfèrent lire de vrais témoignages plutôt que de se référer aux articles de la presse internationale. Nous avons fait connaissance, en mars 2013, lors du tournage du documentaire Graffiti Baladi dans lequel elle intervient. Elle y a apporté une aide précieuse.
Je connais l'auteure Rana Hassanein depuis plus longtemps encore, ainsi que le photographe Beshoy Fayez. La première fois que j'ai vu Rana, c'était à Nuweiba, au bord de la mer Rouge, lors de mon deuxième voyage. Elle était là, déjà en train d'écrire...
Graffiti Baladi est avant tout une aventure humaine, jalonnée de rencontres et d'amitiés. Pour l'avant-première du film que vous découvrirez avec ce livre, j'ai demandé à Heba si elle voulait que je transmette un message avant la projection. Elle a envoyé un extrait de son blog personnel. Le texte s'intitulait «Si seulement vous saviez !» Je l'ai lu, véritablement émue, et je crois que le silence qui pesait dans la salle au terme de cette lecture en disait plus long sur la situation en Égypte qu'aucun commentaire. Aujourd'hui encore, quand je lis ce texte, la même émotion m'envahit.
Les textes d'Heba et de Rana ne sont pas des écrits objectifs. C'est leur valeur de témoignage qui nous a touchées. Guidés par le coeur, leurs mots expriment à la fois le ras-le-bol et la colère, mais aussi l'espoir. Ils questionnent parfois. Lorsque la souffrance est telle qu'il faut qu'elle sorte à tout prix, écrire devient sans doute une forme de thérapie.
Toutes deux sincères dans leur démarche, Rana et Heba assument leurs propos et n'hésitent pas à se mettre à nu pour cela. Issus de leur blog respectif, leurs textes ont été rédigés directement en anglais dans un désir d'être lus en dehors de toute frontière.
Biographie de l'auteur :
Lisa Klemenz est une jeune plasticienne et réalisatrice. Passionnée par le septième art, elle est titulaire du 1MA Cinéma d'animation. En 2011, elle réalise son premier court métrage en pâte à modeler sur verre, Les Etrangers de ta vie, sélectionné dans plusieurs festivals et primé deux fois. Lisa affectionne particulièrement l'Egypte et entretient un lien très fort avec ses amis égyptiens révolutionnaires. De façon spontanée, elle réalise, lors des dix-huit jours de Révolution en janvier 2011, quelques films d'animation pour leur montrer son soutien. Lors de deux séjours qui ont suivi, en novembre 2011 et de février à avril 2012, elle réalise des ateliers d'initiation à l'animation image par image à Alexandrie et à Louxor. En 2013, elle coréalise Graffiti Baladi, son premier film documentaire, en Egypte. Leslie Villiaume est une jeune réalisatrice. Après des études scientifiques et un passage par l'Ecole du Louvre, elle prépare une thèse sur l'histoire de la magie, sujet qui la passionne puisqu'elle est aussi magicienne. Ses qualités de prestidigitatrice ont d'ailleurs servi en mars 2013, pendant le tournage de Graffiti Baladi, pour éviter la confiscation des cartes mémoire contenant les rushes du film. Son premier court métrage de fiction, Dixit, réalisé en 2012, a été sélectionné dans plusieurs festivals, en France et à l'étranger. C'est d'ailleurs lors d'un festival en novembre 2012 que Leslie rencontre Usa, qui lui fait immédiatement part de sa passion pour l'Egypte. Très intéressées par le documentaire et toujours prêtes à voyager même dans un climat incertain, les deux réalisatrices partent alors tourner Graffiti Baladi
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