Extrait :
Qui veut aborder l'oeuvre de Viallat, qui veut «voir» Viallat, est confronté à un étonnant paradoxe concernant une oeuvre si souvent assimilée à l'idée de visibilité : l'abondance des obstacles qui s'interposent entre le travail et celui qui tente de le regarder. Obstacles classiques, liés à l'enfermement, par l'histoire de l'art, de cette oeuvre dans une case. Aborder cette pratique en tant que chapitre de l'histoire des avant-gardes françaises des années 1970 est, d'évidence, réducteur. Mais, de façon plus inattendue, il semble que ce soit Viallat lui-même, par ce qu'il dit, par ce qu'il fait, qui multiplie les pièges et les leurres afin de pouvoir avancer masqué.
Voir Viallat, c'est donc envisager Viallat contre Viallat. Non qu'il s'agisse de prétendre «débarrasser» l'oeuvre du commentaire que l'artiste en a produit (ce qui serait, au minimum, naïf), mais il faut tâcher de comprendre le rôle de chaque pratique au sein de la méthode Viallat. Car la vie de cet homme, depuis maintenant quarante ans, pourrait se résumer à une question : comment peindre ? Et tout ce qu'il fait ne tend, obstinément, qu'à répondre à ça. Écrire, parler, mais aussi faire des objets, des dessins et des peintures tauromachiques, tout, si l'on peut dire, ne sert qu'à ça : à garantir, par la multiplication des écarts, le maintien fidèle du système. Telle est la méthode Viallat : aller du centre à la marge et de la marge au centre, sans cesse. Mouvement spirale. Multiplier les détours pour revenir à la forme quelconque, et à la répétition. Telle est donc la fonction des objets, des oeuvres tauromachiques et des écrits. Garantir, par la transgression, la fidélité au même. Logique du «débord», pour reprendre un terme qui lui est cher. Comment vivre en ne faisant que ça ? demandions-nous au début. En bordant ce centre de multiples marges qui nous ramènent, infiniment, vers lui.
Présentation de l'éditeur :
La peinture de Viallat bénéficie aujourd'hui partout dans le monde d'une vive reconnaissance. Pourtant, trop souvent la critique française continue de plaquer sur cette oeuvre ce qu'il faut bien appeler une forme de malentendu. Un malentendu persistant, voilà ce que ce petit livre s'attache à élucider. Claude Minière. Avec 16 illustrations contrecollées en couleurs dont Sans titre n°155 (1983), N°79 (1997) et N°162 (1994). .Repères chronologiques
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