Extrait :
Eux et moi
Comme je l'ai déjà dit, c'est avec Lucy que tout a commencé. Quoi d'étonnant, d'ailleurs ? Lucy avait alors dix-sept ans et tout ce qu'il fallait pour être une héroïne de roman. Elle exerçait un pouvoir de séduction que je vais avoir du mal à définir, je le sais, mais je pourrais déjà dire que rares sont les êtres dotés d'une seule parcelle de ce qu'elle possédait à profusion. Elle était sensationnelle et, de nous les filles, de loin la plus jolie et la seule à ressembler autant à maman ; en fait, elle tenait si peu de papa qu'on aurait pu croire qu'elle s'était reproduite par fission binaire. Voir côte à côte des photos de la mère et de la fille était une expérience curieuse. Elles avaient des traits presque identiques - des yeux gris-vert, des cheveux châtain foncé, coupés court et très légèrement ondulés, encadrant un nez aigu et des pommettes parfaites - sauf que le portrait de Lucy donnait l'impression d'avoir été saupoudré d'une poussière d'étoiles. Les contradictions que son image laissait entrevoir la rendaient irrésistible ; elle alliait sans beaucoup d'effort un humour enfantin et un vrai charme d'adulte à côté de quoi Eve aurait paru simplement insignifiante.
Chose étrange, les gens ne pouvaient faire autrement que de parler d'elle tout le temps. Toute mon enfance, j'ai entendu dire et répéter qu'elle était en passe de devenir une vraie beauté et qu'elle allait briser bien des coeurs, ce qui me paraissait tellement évident que ce n'était même pas la peine de le dire. Du jour où Lucy avait commencé à mettre un soutien-gorge, on avait vu en effet des coeurs se fendre. Aujourd'hui encore, si on me demandait de citer le souvenir le plus marquant de mes dix premières années, ce serait le défilé permanent de garçons à la maison. Papa leur inspirait à tous une sainte terreur, d'autant plus qu'il était le pasteur du village, mais même la crainte de déclencher son courroux ne pouvait modérer la passion que sa fille leur inspirait. Avec moi ils étaient d'une extrême gentillesse et me chargeaient souvent de lui transmettre un message. «Dis à ta soeur que je l'aime.» «Demande à ta soeur de venir au cinéma samedi, d'accord ?», et je disais : «Laquelle ?» Mais je connaissais la réponse. De nous toutes, elle était la seule à pouvoir déclencher une émeute par sa seule apparition.
Mes parents s'étaient mariés et avaient eu leur premier enfant alors qu'ils avaient à peine dix-neuf ans. Maman disait que «de son temps, on ne réfléchissait pas à deux fois et on se mariait avec la première personne qui vous le proposait» - remarque qui ne manquait jamais de me mettre mal à l'aise. Elle avait rencontré papa à Hull, où il était en apprentissage chez un cordonnier, tandis qu'elle-même était venue y passer un semestre pour enseigner le français dans une institution charitable, fondée par sa marraine, la philanthrope lady Elisabeth Ray. Ayant été élevée par des parents aisés et indulgents, dans l'atmosphère élégante de Bath, maman avait été choquée jusqu'au tréfonds en découvrant le nord de l'Angleterre - la fumée, le brouillard et les usines, le froid cinglant, l'hiver lugubre suivi d'un été où, plutôt que d'étinceler, les rayons du soleil semblaient s'écraser sur l'eau de la Tame. Outre qu'elle donnait des cours de français et venait en aide aux «moins favorisés que nous», maman était une artiste amateur passionnée et chanter était la plus grande joie de sa vie - elle consacrait toutes ses soirées libres à écouter des disques ou alors elle allait au City Théâtre de Hull assister à quelque minable spectacle. À en croire la légende, à la sortie d'une représentation endiablée de Girl Crazy, papa avait failli renverser maman avec sa bicyclette. Ses lunettes s'étant fait la malle (sans elles, elle ne voyait pratiquement rien), il les ramassa et les lui rendit en lui proposant sans attendre de l'emmener danser le vendredi suivant. Apparemment Maman avait dit oui avant même d'avoir récupéré ses lunettes, ce qui signifie soit que la voix tonnante de papa l'avait paralysée de terreur, soit qu'elle se sentait si seule qu'elle aurait accepté de sortir avec quiconque lui aurait témoigné un minimum d'intérêt.
Présentation de l'éditeur :
Tara, adolescente un peu fantasque dont l'enfance a été assombrie par la mort tragique de sa mère, vit avec son père vicaire et ses sept frères et soeurs dans un presbytère de Cornouailles. Quand, lors d'un mariage, elle est remarquée par un producteur de disques pour sa belle voix, sa vie tranquille de jeune provinciale va basculer. Bientôt, accompagnée de sa soeur Lucy - ravissante jeune femme qui brise tous les coeurs mais qui ne rêve que de vieilles pierres -, elle partira pour Londres où elle enregistrera un disque et connaîtra le succès artistique, en même temps que ses premiers amours avec un photographe de mode. Les deux filles seront plongées dans le bouillonnement culturel du Londres des «Swinging sixties». Lucy va même se rapprocher d'un certain chanteur et joueur d'harmonica qui deviendra par la suite l'une des plus grandes icônes de l'histoire du Rock.
Dans ce roman «vintage», où les éléments de fiction et de la réalité se croisent et s'entremêlent, l'auteur dresse un tableau saisissant et nostalgique de cette époque, nous immergeant dans l'ambiance survoltée qui accompagnait les débuts des Beatles et des Stones, quand Londres était la capitale de la musique et de la mode. Une foule de personnages singuliers se dresse autour de Tara et de sa soeur, et les intrigues et imbroglios amoureux et familiaux se multiplient. Tara va triompher de bien de mésaventures dans ce roman initiatique plein d'espièglerie et d'humour, teintée de cette petite musique très personnelle qui donne tout son charme aux romans - so British - d'Eva Rice.
Eva Rice, auteur d'un essai et de trois autres romans dont un publié en France en 2007, L'Amour comme par hasard, est née et évolue dans une famille de musiciens; elle-même chante et écrit des chansons. Son roman précédent a été finaliste pour les British Book Awards et fut un bestseller en Angleterre à plus de 200 000 exemplaires. Dans ce nouveau roman, sans qu'il s'agisse d'une suite à proprement parler, on retrouve, pour notre plus grand bonheur, certains des personnages du précédent roman, dix ans plus tard.
«Dans ce roman, le style vintage émane de chaque page.»
Elle
«Son quatrième roman est rempli de détails, et richement imagé afin de rendre les scènes éclatantes et recrée les chocs entre l'ancien et le nouveau - musicalement, visuellement, stylistiquement.»
Daily Telegraph
«The Misinterpretation of Tara Jupp sort cette semaine, et c'est l'émeute. [...] L'écriture d'Eva capture parfaitement l'esprit désinvolte de l'époque»
Express
«La suite des années 60 et de L'amour comme par hasard d'Eva Rice ne déçoit pas [...] les personnages de Rice sont adorables avec tous leurs défauts et vous allez lire à travers vos larmes.»
Weight Watchers Magazine
«Une lecture absolument sensationnelle»
Marie Claire
«Le roman passe de l'exubérance de la maison familiale en Cornouailles à la Chelsea tendance [...] Les pages se tournent toutes seules grâce aux réactions de l'héroïne de Rice, charmante et sympathique [...] Avec de magnifiques maisons, de doux paysages, des fêtes débauchées, des amitiés ébranlées, des secrets, des passions et des coeurs brisés et la scène est prête pour une lecture entraînante. [...] C'est un plaisir de se pelotonner avec The Misinterpretation of Tara Jupp».
Daily Express
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