Vrilles, fleurs et lignes fluides réactionnaires
Durant la période florissante qui s'étend des années 1880 à la Première Guerre mondiale, les cultures européenne et américaine s'en sont remis à la nature. Dans un
concert de lignes fluides et de formes naturelles, l'Art nouveau a étendu son influence sur l'
architecture, le design, la peinture, le graphisme, les arts appliqués ainsi que l'illustration.
L'Art nouveau a clairement revendiqué sa nouveauté. Dans un esprit de réforme délibéré, ses adeptes ont cherché à se démarquer de l'historicisme imitatif qui avait caractérisé une grande partie de l'art du XIXe siècle pour le remplacer par des éléments ondulants et décoratifs. Se tournant ainsi vers les vrilles de la vigne, les bourgeons en fleurs et les plumes, ils n'ont pas tant cherché à atteindre la liberté linéaire des formes naturelles qu'à se libérer du poids des traditions et des attentes artistiques.
Dans le même temps, l'Art nouveau a suivi l'exemple des mouvements précurseurs de l'Esthétique anglaise et de l'Arts and Crafts pour rejeter les hiérarchies établies dans les pratiques artistiques, favoriser le
retour à la fabrication artisanale et
réunir l'ensemble des médias et des pratiques artistiques dans une Gesamtkunstwerk, ou «oeuvre d'art totale». En cela, et à travers son retour à la nature, l'Art nouveau est souvent considéré comme une réponse à la Révolution industrielle, une
méfiance vis-à-vis de la production mécanisée en série et un éloge adressé à la main de l'homme et aux merveilles de la nature et du plein air.
Cette nouvelle édition TASCHEN aborde l'Art nouveau comme un phénomène historique dans son ensemble en tenant compte de ses variantes locales. Le livre évoque le contexte artistique, économique et politique de ce style de façon globale, autant que ses
spécificités développées dans des grandes métropoles telles que Vienne, Glasgow, Munich, Weimar et Chicago. Ses grands défenseurs tels que Victor Horta, Antoni Gaudí et Charles Rennie Mackintosh sont associés aux villes qu'ils ont le plus marquées de leur empreinte. Le résultat donne une présentation vivante de l'époque et d'un mouvement qui s'est
ancré dans notre représentation de cette fin de siècle comme il s'est ancré dans le chemin vers le modernisme.
L'Art nouveau a eu pour objectif à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, de concilier les aspirations artistiques héritées du passé, l'aspiration à la beauté et à la pureté et les exigences de l'ère technique. Il a voulu mêler l'architecture, la conception de meubles et les arts appliqués dans une tentative de renouvellement de la vie par l'art.
Ce beau livre où l'oeuvre des principaux artistes de l'Art nouveau est analysée et abondamment illustrée n'est pas seulement un panorama du mouvement mais prend en compte les intérêts économiques et politiques qui ont accompagné cette réforme artistique. Il tente d'expliquer la complexité d'un mouvement éphémère, aux visages multiples. Le phénomène historique est présenté dans son ensemble mais aussi dans ses colorations locales puisque les centres principaux de l'Art nouveau ont été des villes de province : Nancy, Barcelone, Glasgow, Helsinki, Chicago, Bruxelles. Vienne, métropole culturelle très complexe qui a vu se développer un style équilibré et mûri, bénéficie d'un chapitre à part. --Sylvie Lécallier