Revue de presse :
Qu'ils soient algériens, tunisiens ou marocains, en arabe dialectal, on a coutume de les nommer les chibanis, les "cheveux blancs". Travailleurs immigrés, ils ont quitté leur pays lors des "trente glorieuses", quand la France avait besoin de bras...
De lui, Leïla Sebbar ne nous donnera ni le nom ni le prénom. Il est simplement le vieil homme que chaque jour Alma, jeune écrivain public (double de la romancière), retrouve près de la Grande Poste d'Alger. Sous sa dictée, elle recueille les mots simples, pudiques, qu'il n'a jamais pu dire à Tahar, son fils "unique", "préféré"...
En contrepoint de ce dialogue impossible avec un fils devenu un étranger, un autre se noue entre le vieil homme et la jeune scribe, mémorialiste. Un dialogue nourri de contes, de poèmes et de chants, mais aussi de destins heurtés, brisés, tronqués, dans lequel se dessine une histoire complexe, parcourue de silences et de non-dits. Celle de ces hommes aux cheveux blancs exilés dans leur pays et leur famille. (Christine Rousseau - Le Monde du 6 mars 2009)
Leïla Sebbar nous propose un roman d'une considérable ampleur historique et humaine. Tout en silences et suggestions. Seulement commandé par une impressionnante retenue de la parole. Non pas recherche d'une ascèse esthétique, mais prise en compte au plus juste du retrait imposé à ceux dont il est ici question. L'écrivaine franco-algérienne compose en l'espèce un texte qui porte loin, interrogeant la mémoire de part et d'autre de la Méditerranée et amorçant sur le présent une réflexion assurément dérangeante. Disons-le tout net : Mon cher fils s'inscrit, avec le récent C'était notre terre, de Mathieu Bélézi, parmi les fictions qui s'élèvent au-dessus d'une littérature à tendance documentaire, non exempte de visées édifiantes. (Jean-Claude Lebrun - L'Humanité du 2 juillet 2009)
Extrait :
Le vieil homme est assis, face à la mer.
Elle habite loin de la poste. On l'appelle toujours la Grande Poste. Grande oui, et sombre, la lumière de la mer est comme interdite, trop de bleu, trop d'éclat pour un lieu où tout circule dans l'ombre, les mots, l'argent, les objets, les larmes et les rires... ça ressemble à une gare, licite, illicite, les pauvres et les riches. Que sait-on de chacun ? Qui voudrait savoir ? Des vies minuscules, on cache le mauvais on exagère malheur et bonheur. Qui parle vrai de soi, sinon peut-être ce vieil homme.
S'il ne pleut pas, elle va à pied. Attendre le bus, elle sera en retard et la bombe à la station il n'y a pas si longtemps, les attentats on sait qu'ils n'ont pas cessé, moins nombreux mais au hasard des civils, des civils pourquoi, chacun se dit non pas «ce ne sera pas moi cette fois-ci», mais «Dieu l'a voulu ainsi» si un éclat le blesse et le mutile, s'il meurt c'est la famille, les voisins, les amis «Dieu l'a voulu», Dieu a voulu le jour et l'heure de la mort, a-t-il voulu cette mort-là ? Et celui qui meurt ainsi, celle qui meurt ainsi de quoi sont-ils coupables ? Qui le sait ? Pas même les proches. On se rappelle ces années de fer, à peine quelques années de cela et on fait comme si la barbarie criminelle s'était exercée ailleurs, dans un autre pays, loin, très loin, un pays inconnu, disparu depuis ou qui n'a jamais figuré sur la carte du monde.
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