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Extrait :
1 / L'Islam et la République
L'Islam peut-il être français ?
Une telle question, entendons-nous bien, repose sur un postulat intenable. L'Islam, parce qu'il prétend à l'universalité, ne peut pas davantage être exclusivement «français» ou «à la française», qu'américain ou égyptien. Bien qu'il se révèle parfois infléchi ou façonné par les valeurs nationales ou régionales, l'Islam, tout comme le catholicisme ou le judaïsme, s'appuie sur des traditions qui font fi des frontières politiques.
L'Islam peut-il être français ? Je vais, si vous me le permettez, reformuler la question pour tenter de mieux la comprendre : l'Islam peut-il devenir une partie intégrante, et acceptée par la majorité, du paysage social français ?
Bien sûr, il n'aura jamais, du moins dans l'immédiat, le statut qui est celui du catholicisme, celui d'une toile de fond naturelle : les Français peuvent ne pas même prêter attention à une croix ou à une église, mais ils remarquent à coup sûr un foulard islamique ou un minaret. Mais l'Islam peut-il se faire accepter, avec plus ou moins de réticence, et plus ou moins naturellement, comme l'un des nombreux éléments normaux qui composent l'univers social normal ?
Réponse rapide : il y a des signes qui suggèrent que oui, c'est peut-être possible, et d'autres qui indiquent que non, peut-être pas...
Parmi les signes positifs, un sondage de 2006 a montré que les Français, dans l'ensemble, pensent que l'Islam peut trouver sa place en France. Lorsqu'on leur demande s'ils voient un conflit entre le fait d'être un musulman pieux et celui de vivre dans une société moderne, 74 % d'entre eux répondent que non, il n'y a pas de contradiction. Par comparaison, seulement la moitié des autres Européens ou des Américains nie l'existence d'un conflit de ce type. De fait, les Français semblent plus affirmatifs ou optimistes sur la modernité de l'Islam que les Indonésiens, les Jordaniens ou les Égyptiens !
Cette réponse est peut-être corrélée à une autre conclusion de cette enquête, tout aussi encourageante : les musulmans français sont à peu près aussi enclins à faire passer leur identité nationale avant leur identité religieuse que les chrétiens américains, et bien plus que les autres musulmans européens. Donc, tout au moins lorsqu'ils répondent aux sondeurs, bon nombre de Français, musulmans et non-musulmans, semblent prêts à penser que l'Islam pourrait être français.
Mais de plus en plus fréquemment, des personnalités publiques critiquent certains musulmans et les accusent d'entretenir des valeurs incompatibles avec la citoyenneté française, même s'ils ne violent aucune loi ou ne dérogent aucunement aux normes du comportement en public. Deux incidents marquants sont survenus en 2008 : un tribunal a approuvé une demande d'annulation de mariage au motif que l'épouse avait menti au mari sur un point qu'il jugeait essentiel à leur mariage. Le jugement était tout à fait conforme à la jurisprudence française, mais parce que le «point» litigieux était la virginité de la femme et que le couple était musulman, des figures publiques se sont empressées de dénoncer ces musulmans qui nourrissaient une vision «archaïque» de la femme, et la décision de justice fut, finalement, annulée à son tour.
À peu près au même moment, le gouvernement parvint sans peine à empêcher une femme, mariée et mère de famille, d'acquérir la nationalité française, parce qu'elle se voilait le visage et ne sortait pas de chez elle, ce qui prouvait que son «radicalisme religieux» ne lui avait pas permis d'«assimiler» les valeurs françaises.
(...)
Présentation de l'éditeur :
L'Islam peut-il être français ?
Une telle question, entendons-nous bien, repose sur un postulat intenable. L'Islam, parce qu'il prétend à l'universalité, ne peut pas davantage être exclusivement «français» ou «à la française», qu'américain ou égyptien. Bien qu'il se révèle parfois infléchi ou façonné par les valeurs nationales ou régionales, l'Islam, tout comme le catholicisme ou le judaïsme, s'appuie sur des traditions qui font fi des frontières politiques.
L'Islam peut-il être français ? Je vais, si vous me le permettez, reformuler la question pour tenter de mieux la comprendre : l'Islam peut-il devenir une partie intégrante, et acceptée par la majorité, du paysage social français ?
Bien sûr, il n'aura jamais, du moins dans l'immédiat, le statut qui est celui du catholicisme, celui d'une toile de fond naturelle : les Français peuvent ne pas même prêter attention à une croix ou à une église, mais ils remarquent à coup sûr un foulard islamique ou un minaret. Mais l'Islam peut-il se faire accepter, avec plus ou moins de réticence, et plus ou moins naturellement, comme l'un des nombreux éléments normaux qui composent l'univers social normal ?
Réponse rapide : il y a des signes qui suggèrent que oui, c'est peut-être possible, et d'autres qui indiquent que non, peut-être pas...
Parmi les signes positifs, un sondage de 2006 a montré que les Français, dans l'ensemble, pensent que l'Islam peut trouver sa place en France. Lorsqu'on leur demande s'ils voient un conflit entre le fait d'être un musulman pieux et celui de vivre dans une société moderne, 74 % d'entre eux répondent que non, il n'y a pas de contradiction. Par comparaison, seulement la moitié des autres Européens ou des Américains nie l'existence d'un conflit de ce type. De fait, les Français semblent plus affirmatifs ou optimistes sur la modernité de l'Islam que les Indonésiens, les Jordaniens ou les Égyptiens !
Cette réponse est peut-être corrélée à une autre conclusion de cette enquête, tout aussi encourageante : les musulmans français sont à peu près aussi enclins à faire passer leur identité nationale avant leur identité religieuse que les chrétiens américains, et bien plus que les autres musulmans européens. Donc, tout au moins lorsqu'ils répondent aux sondeurs, bon nombre de Français, musulmans et non-musulmans, semblent prêts à penser que l'Islam pourrait être français.
Mais de plus en plus fréquemment, des personnalités publiques critiquent certains musulmans et les accusent d'entretenir des valeurs incompatibles avec la citoyenneté française, même s'ils ne violent aucune loi ou ne dérogent aucunement aux normes du comportement en public. Deux incidents marquants sont survenus en 2008 : un tribunal a approuvé une demande d'annulation de mariage au motif que l'épouse avait menti au mari sur un point qu'il jugeait essentiel à leur mariage. Le jugement était tout à fait conforme à la jurisprudence française, mais parce que le «point» litigieux était la virginité de la femme et que le couple était musulman, des figures publiques se sont empressées de dénoncer ces musulmans qui nourrissaient une vision «archaïque» de la femme, et la décision de justice fut, finalement, annulée à son tour.
À peu près au même moment, le gouvernement parvint sans peine à empêcher une femme, mariée et mère de famille, d'acquérir la nationalité française, parce qu'elle se voilait le visage et ne sortait pas de chez elle, ce qui prouvait que son «radicalisme religieux» ne lui avait pas permis d'«assimiler» les valeurs françaises.
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Peut-on emprunter de l'argent avec intérêts ? Où prier ? Un mariage civil est-il valide aux yeux de l'Islam ? Où effectuer le sacrifice de l'Aïd el-Kebir ? Le divorce islamique est-il valide aux yeux de la loi ?...
Des «acteurs publics islamiques» - éducateurs, savants, imams - tentent de répondre à ces questions en jetant des ponts depuis l'univers islamique vers la loi et la société françaises, afin de façonner un Islam à la française.
À travers des entretiens et des observations, John Bowen propose une analyse stimulante de leur quête d'«accommodements raisonnables» qui soulève également la question plus large de l'intégration des religions dans un État laïc et invite les musulmans comme les non-musulmans à repenser la vie ensemble.
Dans le contexte fortement passionnel et angoissé de la question de l'Islam et de la laïcité, le regard extérieur enrichissant, l'enquête rigoureuse et l'analyse originale de John Bowen font de cet ouvrage une contribution importante au débat français.
John R. Bowen
Anthropologue, diplômé de Stanford, docteur diplômé de l'Université de Chicago, John Bowen a enseigné à l'IEP Paris et à la London School of Economics. Il enseigne aujourd'hui à la Washington University à Saint Louis et concentre ses recherches sur l'Islam à travers le monde. Après l'Indonésie, il s'est penché sur le cas français, et travaille actuellement sur les Conseils de Charia en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord.
Des «acteurs publics islamiques» - éducateurs, savants, imams - tentent de répondre à ces questions en jetant des ponts depuis l'univers islamique vers la loi et la société françaises, afin de façonner un Islam à la française.
À travers des entretiens et des observations, John Bowen propose une analyse stimulante de leur quête d'«accommodements raisonnables» qui soulève également la question plus large de l'intégration des religions dans un État laïc et invite les musulmans comme les non-musulmans à repenser la vie ensemble.
Dans le contexte fortement passionnel et angoissé de la question de l'Islam et de la laïcité, le regard extérieur enrichissant, l'enquête rigoureuse et l'analyse originale de John Bowen font de cet ouvrage une contribution importante au débat français.
John R. Bowen
Anthropologue, diplômé de Stanford, docteur diplômé de l'Université de Chicago, John Bowen a enseigné à l'IEP Paris et à la London School of Economics. Il enseigne aujourd'hui à la Washington University à Saint Louis et concentre ses recherches sur l'Islam à travers le monde. Après l'Indonésie, il s'est penché sur le cas français, et travaille actuellement sur les Conseils de Charia en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord.
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- ÉditeurSteinkis
- Date d'édition2011
- ISBN 13 9791090090040
- ReliureBroché
- Nombre de pages382
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Description du livre Etat : Neuf. N° de réf. du vendeur 9791090090040
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