La Cigarette et le n�ant

Engdahl, Horace

3,44

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ISBN 13 : 9791090175167

Editeur : Serge Safran �diteur, 2014

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Pr�sentation de l'�diteur :

�� l'�poque la plus d�vergond�e, quand, au sein de notre soci�t�, on pouvait fumer et baiser � droite � gauche sans �prouver de culpabilit�, une publicit� montrait un jeune couple se reposant apr�s un rapport fougueux, chacun sa clope � la main. La l�gende disait : �La cigarette d'apr�s�. Cette photo fut par la suite reprise dans d'innombrables sc�nes d'amour � l'�cran. Quelques ann�es plus tard, tout est parti � vau-l'eau, tant pour le tabac que pour l'�rotisme au cin�ma. Mais la d�couverte de l'effet et l'intensit� particuli�re de la premi�re bouff�e sont rest�es. Face � l'absolu - la mort, l'orgasme, la catastrophe, la page blanche - l'homme disposait d�sormais d'un nouveau rite, imbattable. Cioran dit qu'il y a des moments o� une cigarette vaut plus qu'un �vangile. M�me un chr�tien l'admettra. Le peloton d'ex�cution t�moigne son respect au condamn� en lui accordant une derni�re cigarette. Quand on est vraiment secou�, il n'y a qu'une Camel sans filtre pour vous remonter, m�me si �a fait des d�cennies qu'on a arr�t� de fumer. La perspective de la fin du monde serait parfaitement supportable, si seulement on pouvait s'en griller une apr�s.�

En Su�de, on sait que Horace Engdahl, prestigieux acad�micien, est un �crivain de premier ordre. Dans la dizaine d'ouvrages qu'il a publi�s, son dernier, la Cigarette et le N�ant (2009), est assur�ment le plus intime, le plus personnel.
En observateur aiguis�, esprit fin, essayiste original et profond, Horace Engdahl, par ses aphorismes, maximes, critiques et apostilles, se place en droite ligne d'auteurs fran�ais, beaucoup fr�quent�s et qu'il cite volontiers, de Montaigne � Roland Barthes, en passant par Diderot, Chamfort ou Cioran.
De fa�on insolite, avec humour et �l�gance, sont ici abord�es, en une ligne ou quelques pages, des r�flexions sur la vie, la mort, la litt�rature, la lecture, la critique, les relations entre individus, l'art, l'exp�rience, la sagesse, la folie... �mane de l'ensemble une discr�te empathie envers la condition humaine, en ce qu'elle a parfois de plus commun, comme la cigarette apr�s l'amour ou l'incontournable tasse de caf�.
Un subtil tableau panoramique de notre �poque. Une belle invitation � la m�ditation avec des moments d'intense bonheur � partager.

Horace Engdahl, n� en 1948 � Karlskrona, en Su�de, est �crivain, critique, sp�cialiste de la litt�rature su�doise, traducteur (Blanchot, Derrida) et membre de l'Acad�mie su�doise. Il parle couramment l'anglais, l'allemand, le fran�ais et le russe.
La Cigarette et le N�ant est son premier ouvrage traduit en fran�ais.

Extrait :

� l'instar de certains aliments di�t�tiques, frauduleusement agr�ment�s d'un �dulcorant que l'on savoure en croyant faire du bien � sa sant�, les romans r�alistes fascinent leurs lecteurs gr�ce � une dose d'extravagance qui leur permet de s'�vader du r�el. Soit le h�ros est victime d'une catastrophe qui le soustrait � sa morne existence, soit il dispara�t plusieurs jours dans un h�tel d'une ville �trang�re sans que sa famille se demande o� il est pass�, soit, tout bonnement, il semble avoir � sa disposition autant de temps qu'un �crivain.

�tre d�prim� et savoir exactement pourquoi, ce n'est pas grave. En fait, ce sentiment doit porter un autre nom : regret, chagrin, anxi�t�. La vraie d�prime, elle, n'a aucun motif discernable. A-t-elle une cause, celle-ci demeure hors de port�e de la raison humaine. Autrement dit, elle est sans rem�de rationnel. Ce qui rend la d�prime si lourde � porter, c'est l'impuissance qui l'accompagne, ou plus pr�cis�ment l'incapacit� � accepter cette impuissance.
La d�prime est diffuse, sans contours d�finis. Lorsqu'elle s'empare de l'�me, on dirait qu'elle y r�gnait d�j� � l'origine des temps et y demeurera pour l'�ternit�. C'est le calme plat, la gal�n� si redout�e des Grecs ! La pens�e erre en qu�te d'explication, second�e par l'hypocondrie. On se sent frapp� d'une maladie mortelle. Mais ces sympt�mes ne sont que la fa�on qu'a la d�prime de se rappeler � nous.
Il y a vingt ans, � Paris, je me tra�nais un �t� avec au coeur une douleur singuli�re, persuad� qu'elle allait me co�ter la vie incessamment, au prochain coin de rue. J'ai r�dig� sur les causes de mon tourment un document prolixe dont je vois � pr�sent qu'il traitait d'autre chose, de probl�mes imaginaires que je n'allais pas tarder � oublier. En r�alit�, je n'avais rien compris � mon �tat. Un mois plus tard, ma d�prime disparaissait aussi brusquement qu'elle �tait venue, telle une sir�ne d'alarme qui s'est inexplicablement d�clench�e et s'arr�te tout aussi inexplicablement.
Rien ne sert de lutter contre la d�prime, voil� ce que mon corps m'a appris. Laisse-toi aller � l'impuissance, m'a-t-il dit, tu ne parviendras pas � t'en d�barrasser. Supporte-la, et dis-toi qu'elle te permet de percevoir des couleurs que sans elle tu n'aurais jamais vues : les innombrables nuances du gris, du plus clair au plus sombre.

Regarde autour de toi, et dis-toi que nul n'attend de ta part une r�signation absolue.

(...)

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