Une supposition, que, par-delà la mort, elle donne son avis sur ce livre qui lui a été consacré et en profite pour rétablir certaines vérités qui, selon elle, seraient bonnes à dire. Ce dont on est sûr, c'est qu'elle commencerait par dire ceci : Mais qu'est-ce qu'il raconte ? avant d'assener le coup de grâce : et puis, qu'est-ce qu'il en sait ? Il étant le narrateur desdits romans sur sa famille, et par la même occasion son fils. J.R. Sur la scène comme au ciel clôt une suite romanesque qui commence par Les champs d'honneur (sur la figure du grand-père), se poursuit par Des hommes illustres (sur la figure du père), Le monde à peu près (sur le deuil du père), Pour vos cadeaux (sur la figure de la mère), l'ensemble composant une sorte de livre des origines.
Dernier opus de la saga familiale commencée avec
Les Champs d'honneur, ce texte se présente comme un dialogue avec la mère, disparue sans avoir pu lire les pages qui allaient enfin la concerner. Le père, le grand-père, la grand-mère avaient tous trouvé une place dans le panthéon du petit Jean, qui les célébrait chacun leur tour. Mais la mère, elle, était restée un peu exclue des oeuvres, en retrait du grand Joseph d'abord, puis des autres morts.
Le bon fils avait donc voulu lui rendre sa place, en chargeant l'écrivain de lui donner, enfin, la vedette : son prochain livre serait le livre de la mère. Mais ironie du sort, elle se déroba à cet hommage en mourant à son tour, comme si Rouaud ne pouvait évoquer que ses morts, et jamais ses vivants. Alors, il décida de la faire parler coûte que coûte, en imaginant les mots qu'ils ne s'étaient pas dits, et qu'il aurait voulu avoir le temps, le courage, et surtout la tendresse de partager avec elle. Le résultat est étonnant de force et d'évidence. --Karla Manuele