Revue de presse :
Il y a une dizaine d’années, Annie Ernaux publiait un petit livre en forme de déclaration, Passion simple. Aujourd’hui, elle nous livre le matériau brut de ce roman, Se perdre, qui, outre les quelques pages d’introduction, se veut le journal de cette passion, consigné minutieusement jour après jour - Annie Ernaux tient son journal depuis ses seize ans. En mettant en lumière ce court opus au regard de sa matière première, l’auteur donne à penser, sur l’amour d’abord, ou plutôt ce sentiment dangereux d’appartenance, sur la littérature et le besoin d’écrire, ensuite. Durant toute son histoire avec « S », son amant russe, l’auteur se trouve justement dans l’impossibilité d’écrire autre chose que des commandes et ce journal, qui offre une « vérité autre » que celle de son roman ultérieur, néanmoins autobiographique.
Si Passion simple était un véritable concentré, elliptique et poétique, d’une histoire d’amour que chaque lecteur pouvait s’approprier, Se perdre est une histoire singulière, histoire vécue et soufferte. D’un côté le travail de l’écrivain, de l’autre celui de la femme. Encore que cette dichotomie commode ne s’applique pas au travail d’Annie Ernaux. Les deux ouvrages se répondent, créant une passionnante et vertigineuse mise en lumière du travail de l’auteur. D’une très grande pureté formelle, les deux ouvrages s’enchâssent pour livrer deux aspects d’une même histoire.
A posteriori, on finit même par douter qu’il n’y ait une quelconque spontanéité dans ces deux ouvrages, tant l’emboîtement semble parfait, quoique jamais pesant. Annie Ernaux joue sur un décalage des temps de la narration. Ainsi Passion simple (Passé simple ?) nous disait une histoire à l’imparfait. Se perdre joue, quant à lui, de l’infinitif et du temps présent, un présent à valeur d’intemporel. Des décalages temporels entre les romans, et au sein même des ouvrages, comme pour dire ce temps autre de la passion : « J’ai mesuré le temps autrement, de tout mon corps ».
Mais il y a également derrière cette recherche stylistique une volonté affichée de s’extraire de ce que l’on attend d’elle en tant qu’écrivain. Parlant d’élèves de littérature qui disent à la narratrice que « l’on doit écrire au présent ou au passé simple », elle répond : « J’écris au passé composé parce qu’on parle au passé composé. » Annie Ernaux ne cherche qu’à rendre compte le plus fidèlement possible de la vérité des sentiments et des possibilités infinies de la littérature.
Plus que l’histoire, banale et sublime à la fois, de la passion d’une femme et d’un homme marié, Annie Ernaux réalise avec ces deux opus le rêve caché de tous les lecteurs : leur faire pénétrer les secrets de l’écriture. --Chloé S.-- -- Urbuz.com
Quatrième de couverture :
«[...] Je n'ai jamais rien su de ses activités qui, officiellement, étaient d'ordre culturel. Je m'étonne aujourd'hui de ne pas lui avoir posé plus de questions. Je ne saurai jamais non plus ce que j'ai été pour lui. Son désir de moi est la seule chose dont je sois assurée. C'était, dans tous les sens du terme, l'amant de l'ombre.[...] J'ai conscience de publier ce journal en raison d'une sorte de prescription intérieure, sans souci de ce que lui, S., éprouvera. À bon droit, il pourra estimer qu'il s'agit d'un abus de pouvoir littéraire, voire d'une trahison. Je conçois qu'il se défende par le rire ou le mépris, "je ne la voyais que pour tirer mon coup". Je préférerais qu'il accepte, même s'il ne le comprend pas, d'avoir été durant des mois, à son insu, ce principe, merveilleux et terrifiant, de désir, de mort et d'écriture.»Annie Ernaux.
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