Extrait :
C'est un beau 1er mai que celui de l'an 1679. Un jour annonçant déjà les promesses de l'été. Il fait doux. Presque trop, estiment les pères grincheux qui pestent en découvrant ce matin la tenue légère de leurs filles. Quelle saison, quelle époque... Elles portent des jupes colorées virevoltant quand elles tournent la taille, des chemisiers déliés au col, bâillant au premier soupir, des souliers du dimanche ornés de bouts de tissus bouclés puisqu'elles ont jeté leurs sabots aux orties.
Et voilà que ces jouvencelles s'impatientent, gémissent, accusant la chaleur. Mais la vraie raison de cette agitation, c'est le bal.
Clotilde, Marie, Jeanne, Thérèse - et d'autres - ont beau porter le prénom d'une sainte, rien n'y fait. La petite voix susurre à leurs oreilles et ne les lâche pas : les apprentis de leurs pères les attendent sur la place d'Armes pour danser, et peut-être s'encanailler... Plus question de timides oeillades, de sourires penauds adressés de loin lorsqu'elles s'en vont au puits tirer l'eau tandis qu'eux, ces gaillards aux allures d'étalon, se lavent torse nu, font saillir les muscles, se pavanent, mains posées sur les hanches. Ce soir, elles prendront le baiser de celui qui se décidera à ceindre leur chevelure d'une couronne de fleurs.
Hélas, ce programme n'est encore qu'un rêve car, entre elles et leurs chevaliers, entre le début du jour et la nuit si prometteuse, il y a leurs pères - entêtés et obtus. Une muraille d'autorité autrement solide que le château immense, édifié par eux pour durer mille ans et plus.
Qu'il semble difficile de faire plier un bâtisseur de Versailles !
Charpentier, ferronnier, peintre, maçon, fontainier, ces forcenés du travail sont fiers du chemin parcouru, de s'être arrachés à la glaise du commun. Désormais, leur nom est synonyme d'un clan qui leur survivra. La réputation s'est jointe à la réussite. Ils ont de l'ambition pour leur progéniture, imaginent des alliances avec une famille prospère, fabriquent le futur selon de savants calculs laissant peu de place aux sentiments. La beauté ? Elle passe. La couleur des yeux ? Ils préfèrent celle de l'or. La dot, voilà ce qui compte. Eux aussi ont choisi - certainement pas comme leurs filles. La vie, répètent-ils, s'échafaude. Patiemment. Solidement. Et ce qu'ils ont fait de la leur atteste que cette méthode a du bon.
Rien n'est moins poétique... Surtout en ce 1er mai, si espéré par les unes et si redouté par les autres ; ce jour de tous les espoirs ; ce jour de tous les dangers.
Présentation de l'éditeur :
Louis XIV est sur le point d'installer la cour à Versailles. Le chantier est en ébullition. Rien n'est prêt. Parmi les innombrables sujets qui torturent l'architecte Hardouin-Mansart et le peintre Le Brun, il en est un qui met en péril le faste de Versailles : les fontaines, qui ne fonctionnent pas comme le roi le veut. La Nature est plus forte, Le Nôtre n'y peut rien : l'eau manque à Versailles. Mais les jardins ne sont pas seuls à verser des larmes. Après avoir triomphé du Roi noir, la famille Pontgallet est à nouveau dans la tourmente. Marguerite, patronne de la fratrie, est ruinée. Son second, le maçon Le Faillon, est gravement blessé. L'espoir repose sur Amandine, la petite-fille Pontgallet, et Jean, le fils de Le Faillon. Leur mariage permettrait à l'entreprise de renaître. Mais Amandine rêve du château. Jean serait prêt à tout pour elle. Il renoncerait même à son ambition : rejoindre l'atelier de Le Brun. Ainsi, le futur paraît compromis, même pour Versailles, à moins que le passé ne vienne au secours du Palais de toutes les promesses et ne réunisse une dernière fois tous ceux qui l'ont tant désiré, en bien ou en mal…
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