Extrait :
Vera Cruz, le 11 août 1519
«À partir de maintenant, Marina, tu sais lire et écrire. Cela fait de toi une personne importante.» C'est ce que m'a dit Bernal ce matin. Puis il m'a offert du papier, une plume et de l'encre. Il va aussi me fabriquer une écritoire en bois pour que je puisse ranger mon matériel et écrire plus facilement.
J'ai serré le papier, l'encre et la plume contre mon coeur en pleurant de joie et de confusion. Jamais je n'aurais imaginé que je posséderais un jour des choses si étranges et si précieuses. Jamais je n'aurais pensé que je pourrais devenir quelqu'un d'important, une chrétienne qui sait lire et écrire. Il y a à peine cinq mois, avant que les Espagnols ne me baptisent «Marina», je m'appelais «Malinalli», et j'étais une esclave ignorante, originaire d'une lointaine petite ville de l'Empire mexica. Je n'ai jamais connu mon père et je me souviens à peine du visage de ma mère, qui m'a vendue à des marchands d'esclaves mayas alors que j'avais dix ans.
Lorsque les bateaux espagnols sont arrivés sur le fleuve et qu'ils ont gagné la bataille contre les gens de Tabasco, mon maître maya m'a offerte aux chrétiens. Je l'ai supplié à genoux de me garder avec lui tellement les étrangers me terrifiaient. J'avais très peur de monter sur leurs énormes bateaux, peur de leurs chevaux, peur de leurs canons et de leurs armures. Comme je le remercie aujourd'hui, ce maître cruel et sévère, qui n'a pas eu pitié de moi ! Je ne serais pas devenue chrétienne, et Bernal ne m'aurait pas offert ce journal où je vais raconter les choses merveilleuses que je suis en train de vivre.
Bernal est un soldat espagnol. Ce n'est pas un noble, mais il sait lire et écrire. C'est lui qui m'a appris l'espagnol. Je crois bien que c'est le seul ami que j'aie jamais eu. Il me répète que je suis intelligente, et que, même si je suis une fille et une esclave, je suis douée pour les langues et qu'il n'a jamais vu quelqu'un apprendre aussi vite à tracer les lettres de l'alphabet. Que Dieu bénisse Bernal Diaz de Castillo, car personne avant lui ne m'avait jamais dit que j'étais intelligente ou importante.
Le capitaine Cortés aussi est bon avec moi, surtout depuis qu'il sait que je parle nahuatl. Au début, pendant que nous naviguions le long de la côte, mon travail se limitait à préparer la nourriture aux soldats, à laver leur linge et à soigner ceux qui avaient la fièvre. Puis nous avons jeté l'ancre, au nord, et les Espagnols ont fondé une ville qu'ils ont nommée Vera Cruz. L'empereur des Mexicas, qui sait tout ce qui se passe dans son royaume même s'il habite à des jours et des jours de marche de la côte où nous nous trouvons, a envoyé des ambassadeurs à la rencontre des étrangers.
Présentation de l'éditeur :
Le destin de la plus célèbre Mexicaine, interprète et maîtresse de Cortès pendant la conquête espagnole !Je m'appelle Marina. Jusqu'à aujourd'hui, je pensais que c'était un signe de mon malheur si je parlais plusieurs langues, le malheur d'une misérable enfant mexica, vendue par sa mère à des marchands mayas, puis offerte aux conquérants espagnols. Maintenant, je sais qu'il s'agit de la plus grande chance de ma vie. C'est grâce à cela que le capitaine Cortés ne me regarde plus comme une esclave, mais comme quelqu'un de précieux. Je suis sa traductrice, sa conseillère de l'ombre, je l'accompagne dans ses rencontres et ses batailles. Le capitaine est un grand homme, et je sais qu'avec lui, les Espagnols ne peuvent pas perdre !
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