Extrait :
Extrait de l'introduction
Bien que «centre du monde», la Chine est longtemps restée à l'écart du monde
A l'abri de sa Grande Muraille, la Chine est restée, jusqu'à la fin du siècle dernier, une nation autocentrée.
On ne peut comprendre le présent que si on se réfère au passé.
En l'occurrence, tout part d'une zone géographique correspondant à la grande boucle du fleuve Jaune où les premiers habitants d'origine Han se sédentarisèrent, vers la fin du quatrième millénaire avant notre ère, et qui fut pendant très longtemps la région de loin la plus peuplée du monde.
Sans ces bouches à nourrir, la société chinoise n'aurait probablement pas opté pour une organisation aussi pyramidale et centralisée. Car quand on est très nombreux, la nécessité de faire en sorte que chacun puisse manger à sa faim pèse de tout son poids sur la façon dont on vit. Au moindre incident, la violence peut éclater et un chaos s'installer.
Cette aversion au désordre a toujours guidé les dirigeants de la Chine. Elle explique la centralisation du pouvoir et les préceptes confucéens de la vie en société : le respect de l'autre et de la norme ; la soumission de l'individu au groupe ; l'assimilation de l'âge à la sagesse et à la vertu ; la croyance dans la réalisation d'une harmonie sociale décrétée d'en haut.
Sans cette démographie hors norme, la Chine ne serait pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
A la contrainte démographique s'ajoute la manière dont la Chine s'est constamment envisagée.
Le nom qu'elle s'est donné - «zhongguo» - et qui signifie «centre du monde», témoigne du fait qu'elle s'est toujours vue comme le «centre de gravité du monde».
Et comme il ne peut exister qu'un seul «centre de gravité du monde», la Chine s'est longtemps définie comme un sanctuaire, une exception, et comme quelque chose d'unique et de différent du reste.
On aurait tort de prendre ce tropisme pour un aveuglement coupable, un complexe de supériorité ou une vision pour le moins naïve du monde. Il s'agit beaucoup plus, de la part d'un pays qui avait suffisamment à faire avec ses propres problèmes, d'indifférence par rapport à une périphérie qui ne le concernait pas.
C'est pourquoi, malgré son poids démographique et la puissance de ses armées, la Chine n'a jamais été un pays impérialiste comme ce fut le cas du Japon ou des grandes nations européennes. Elle ne s'est jamais lancée, par exemple, dans la conquête de la Sibérie, cet immense territoire vide d'hommes mais bourré de richesses naturelles dont elle n'aurait fait qu'une bouchée mais qu'elle laissa aux tsars. Ce grand empire immobile qui se croyait invincible ne perçut que fort tard les dangers de l'impérialisme occidental. Indifférent aux visées commerciales de l'Angleterre, il ne put éviter la descente que les grandes puissances occidentales lui infligèrent après les guerres de l'opium*.
Lorsqu'ils approchaient les empereurs chinois, les voyageurs étrangers étaient frappés par leur décalage avec la réalité du monde. La plupart de leurs récits font état de ce mélange de naïveté et d'indifférence à l'égard de leur sort et de leurs origines, dont faisaient preuve les divers Fils du Ciel, comme si le rapport de forces devait obligatoirement tourner à leur avantage.
Or, à trop ignorer la périphérie, il est difficile de s'en protéger efficacement... comme en témoigne la construction de la Grande Muraille, laquelle n'était rien d'autre qu'une très longue ligne Maginot avant l'heure.
Présentation de l'éditeur :
Complexe, incongrue, millénaire, « baroque » à bien des égards, la Chine déroute autant qu’elle fascine. Depuis des millénaires, son peuple très aimable a toujours réussi à s’organiser pour éviter le chaos qui guette toujours les sociétés surpeuplées. Aujourd’hui, la Chine est double : chinoise et capitaliste ; douce et rude ; généreuse et vorace ; Yin et Yang, comme il se doit… Le pire y côtoie le meilleur, comme partout, mais plus encore que partout car tout, en Chine, est hors normes, à l’aune du nombre de ses habitants. C'est ce continent en cours de transformation, écartelé entre le poids de son immense passé et les promesses d’un futur guidé par sa puissance économique et l’émergence de sa classe moyenne, que José Frèches entend faire aimer à son lecteur en lui racontant « sa » Chine. Nourri de références historiques, mais également d’anecdotes vécues, son récit se veut avant tout drôle et sincère, guidé par la tendre ironie avec laquelle il a toujours abordé la Chine. Entre 1972, date de son premier voyage et aujourd’hui, la Chine s’est beaucoup plus transformée qu’au cours des quelques cinq mille ans qui séparent la fondation du premier Etat chinois de l’arrivée des communistes au pouvoir.
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