Revue de presse :
L'écrivain Walter Kirn raconte son amitié avec Clark Rockefeller, mystificateur incarcéré depuis 2008 pour meurtre et enlèvement. C'est l'histoire d'un mystificateur en série. D'un homme qui a réussi, vingt années durant, à tromper femmes, amis, autorités...
Mauvais sang ne saurait mentir est une passionnante réflexion sur la vérité et le mensonge, les apparences et la manipulation. (Bruno Corty - Le Figaro du 8 janvier 2015)
L'écrivain et journaliste américain relate, dans un livre captivant mêlant autobiographie et fait divers, une célèbre histoire d'imposture...
On est chez Hitchcock et Highsmith. Extraordinaire livre. Celui qui ment aux autres (le faux Clark Rockefeller) et celui qui se ment à lui-même (le vrai Walter Kirn). L'écrivain restitue dans Mauvais sang ne saurait mentir l'histoire de leur amitié, avec une honnêteté scrupuleuse, pour comprendre pourquoi et comment il n'a rien voulu voir, rien vu, rien décidé de voir. Walter Kirn est un journaliste aguerri. Il est donc habitué à mettre la réalité à distance critique. Les indices de l'imposture étaient nombreux et concomitants. Mais il a choisi de s'attacher à ce qui faisait sens (invitation dans un club privé et huppé) et non à ce qui faisait tache (portefeuille envolé dès qu'il s'agit de régler une addition). Walter Kirn ne se donne jamais le beau rôle...
Au coeur de l'enquête rétrospective, la définition même de l'écrivain : quelqu'un qui, tel un chien de chasse, flaire le bon sujet et s'accroche à sa proie. (Marie-Laure Delorme - Le Journal du Dimanche du 4 janvier 2015)
Pendant dix ans, l'écrivain fut l'ami d'un certain Clark Rockefeller, excentrique héritier de la richissime famille américaine, avant d'apprendre qu'il était un ressortissant allemand du nom de Christian Gerhartsreiter, arrivé aux Etats-Unis dans les années 80, ayant vécu sous une kyrielle de noms d'emprunt et désormais inculpé pour meurtre. Comment un journaliste aguerri, collaborateur à Time et au New York Times Magazine, n'a-t-il rien vu, rien soupçonné ? Ou plutôt, pour quelles raisons plus ou moins avouables a-t-il fermé les yeux, ignoré les mille petits mensonges que le faux Rockefeller tissait autour de lui ? «Est-il dans la nature des gens, ou bien dans la mienne, de laisser passer un mensonge, en l'ignorant ou en le minimisant, plutôt que de le relever et de causer de l'embarras au menteur ? Pourquoi préférons-nous que quelqu'un nous voie nu plutôt que le voir nu ?» C'est à cette petite danse malsaine, révélatrice des rapports de classe et de domination à l'oeuvre en Amérique, mais aussi des liens cannibales entre journaliste et sujet, que s'intéresse Kirn dans ces pages. (Elisabeth Franck-Dumas - Libération du 15 janvier 2015)
Mais comment l'auteur a-t-il pu se faire berner par un tel mystificateur, venu vivre son rêve américain ? Regard dessillé, il en tire un récit lucide et grave. C'est à Patricia Highsmith et à Francis Scott Fitzgerald que Walter Kirn emprunte la double exergue de Mauvais sang ne saurait mentir - inscrivant par là d'emblée son personnage dans une généalogie romanesque identifiée : «Le filou polymorphe de la mythologie et de la littérature américaine», une sacrée lignée d'imposteurs, d'escrocs mystificateurs, en tête de laquelle on fera figurer sans trop d'hésitation M. Ripley, le psychopathe désinvolte et charmeur dont Highsmith a décliné jadis les méfaits. Le fait que le livre de Walter Kirn ne soit pas un roman mais un récit et que son personnage principal purge actuellement une peine de vingt-sept ans d'enfermement dans une prison de Californie ne l'exclut pas de cette inquiétante famille, avec laquelle - c'est l'une des dérangeantes conclusions de la réflexion de Kirn - nous entretenons tous des relations plus ou moins étroites, menteurs nous-mêmes, quoique à une échelle moins spectaculaire, et fascinés par ces maîtres en imposture. (Nathalie Crom - Télérama du 21 janvier 2015)
Tout écrivain est un prédateur. Il se peut que l'empathie soit son mode de chasse et de capture, plutôt que la traque nocturne et le kidnapping. Il n'empêche que sa curiosité est une faim et son approche feutrée une stratégie de fauve. Que cherche-t-il ainsi ? Des personnages !...
Sympathique ou non, il y a du Gasby chez ce Clark, en tout cas pour la fascination qu'il suscite malgré tout et Walter Kirn se félicite d'avoir en effet trouvé un bon personnage. Il vient pourtant de tomber lui-même dans les rets de l'imposteur le plus machiavélique de l'époque moderne. En lisant cette histoire vertigineuse et bien réelle, nous nous demanderons tout du long qui est la mouche, et qui l'araignée. Mauvais sang ne saurait mentir est un livre-enquête que l'on pourrait rapprocher du De sang-froid, de Truman Capote (Gallimard, 1966), ou de L'Adversaire, d'Emmanuel Carrère (POL, 2000), avec cette différence de taille : l'auteur fut un protagoniste de l'histoire, un second rôle berné et borné de la pièce écrite par un mythomane, sociopathe et vraisemblable meurtrier. Pire : en devenant son interlocuteur privilégié, Walter Kirn pourrait bien avoir été à son insu son collaborateur...
Il tient en effet un beau sujet. Le «cannibale des âmes» a rencontré son prédateur. (Eric Chevillard - Le Monde du 5 février 2015)
Le roman de Walter Kirn possède tous les ingrédients d'une intrigue à la Patricia Highsmith. Il s'inscrit plus globalement dans la lignée des grands héros usurpateurs, mythomanes et filous polymorphes qui ont inspiré les écrivains, de Fitzgerald (Gatsby) à Carrère fasciné par l'affaire Jean-Claude Romand. Plus rares sont ceux ayant eu à commercer en direct avec leur créature. C'est tout l'enjeu trouble de ce récit, alternance de notes glaçantes et d'authentique cocasserie, déconstruction patiente d'un cerveau, à travers les témoins qui l'ont côtoyé, sans voiler sa réflexion de fond : les motivations impures de l'artiste et la notion de prise de risque inhérente à toute production littéraire. (Emily Barnett - Les Inrocks, février 2015)
Persuadé de remplir une mission pour un héritier Rockefeller, Walter Kirn est pris dans une terrible mystification. Qui le renvoie à ses propres mensonges...
Il repasse alors dans son esprit tous ses mensonges -le téléphone de Bush !-, assiste à son procès, lui rend visite en prison. Et la vérité, effrayante, se fait jour : s'il a cru à toutes ces sornettes, c'est parce que lui aussi a un petit fond mythomane, grâce auquel il a d'ailleurs frayé un temps avec la famille Kennedy. C'est évidemment cette double lecture -les exploits du "cannibale des âmes Rockefeller" mêlés à l'introspection autobiographique de Walter Kirn- qui fait tout le sel et la puissance de ce récit haletant et fascinant qu'est Mauvais sang ne saurait mentir. (Jérôme Dupuis - L'Express, février 2015)
Extrait :
À l'époque, j'y voyais une bonne action et puis je me sentais d'humeur aventureuse. L'été où ma femme attendait notre premier enfant et où le président Clinton glissait peu à peu vers une procédure d'impeachment, je me suis proposé pour transporter une chienne estropiée de chez moi dans le Montana, où elle était soignée par de bonnes âmes de la SPA locale, jusqu'à l'appartement new-yorkais d'un riche jeune homme, un Rockefeller, qui l'avait adoptée via Internet.
Il se prénommait Clark. Notre premier contact eut lieu au téléphone. Je l'avais appelé pour obliger mon épouse Maggie, présidente de ladite SPA, qui cherchait à tirer d'embarras Harry et Mary Piper, les personnes qui avaient recueilli la pauvre bête après qu'une voiture lui fut passée dessus. Ces gens avaient payé l'intervention chirurgicale qui lui avait sauvé la vie, ils lui avaient fait suivre des séances de massage reiki et lui avaient appris à utiliser un fauteuil roulant pour chien dont les roues supportaient son arrière-train paralysé. Héritiers d'une fortune bancaire du Minnesota et fervents épiscopaliens (Mary suivait une formation pour devenir pasteur), les Piper nous avaient récemment invités au restaurant, Maggie et moi, et nous avaient fait part des difficultés auxquelles ils se heurtaient pour expédier la chienne sur la côte Est. Du fait de son état problématique, ils craignaient de la confier à une compagnie aérienne. Clark leur avait dit qu'il possédait un avion, mais que celui-ci était coincé en Chine avec sa femme, Sandra, conseil en management international. Je me proposai alors comme intermédiaire, en partie pour soulager ma culpabilité d'avoir tué avec mon pick-up, quelques mois plus tôt, un des chiens que Maggie avait recueillis. Mais j'avais une autre raison de vouloir rencontrer ce Clark : j'étais écrivain, de surcroît un écrivain entre deux livres, et je me figurais que j'allais rencontrer un personnage.
Lors de notre premier coup de fil, Clark commença par faire l'historique de cette adoption. Il me dit avoir appris l'existence de cette chienne, baptisée Shelby, grâce à un site Web se consacrant à trouver des maîtres à des setters Gordon sans foyer, race qu'il prisait pour ses liens avec la famille royale britannique ainsi que pour son tempérament exubérant et plein d'allant. Comprenant instantanément qu'il voulait l'adopter, il avait échangé des courriels avec les Piper pour les convaincre de la lui confier. Son immeuble n'était qu'à une rue de Central Park, ce qui signifiait que Shelby aurait de la place pour s'ébattre et «se livrer le matin à la chasse aux écureuils». De plus, il avait pour voisin du dessous le «meilleur vétérinaire acupuncteur» de Manhattan. Il s'était déjà entretenu avec ce thérapeute et ne doutait pas qu'avec son concours Shelby finirait par se rétablir complètement.
«J'ai bien peur que ce ne soit guère envisageable, lui dis-je. Sa colonne vertébrale a été broyée. Je ne sais pas si on vous l'a dit, mais il n'est pas exclu qu'on lui ait tiré dessus avant de l'écraser.
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