Extrait :
Extrait de l'introduction
«UN MIRACLE DU XXe SIÈCLE»
Le 6 mars 1953, à 6 heures du matin, un jeune étudiant de l'université de Moscou nommé Mikhaïl Gorbatchev entendit la voix grave et modulée du speaker emblématique de la radio soviétique, qui apprenait sentencieusement au monde la mort de Staline :
Le coeur de Joseph Vissarionovitch Staline, compagnon d'armes et génial continuateur de l'oeuvre de Lénine, sage guide et éducateur du parti communiste et des peuples soviétiques, a cessé de battre !
La dépouille du tsar rouge fut exposée dans la salle des Colonnes. C'était déjà dans ce lieu, devenu la Maison des syndicats après avoir abrité la magnificence des bals de l'ancienne noblesse moscovite, que Staline s'était posé naguère en exécuteur testamentaire de Lénine et en grand prêtre de sa pensée. C'était là qu'il avait pour la première fois fait usage d'une rhétorique qui, en empruntant aux litanies de la liturgie orthodoxe dont avait été imprégnée sa formation de séminariste, était seule capable de galvaniser le peuple désorienté par la disparition du fondateur de l'État soviétique.
Staline, conscient que les funérailles de l'ancien chef du Kremlin étaient perçues à travers tout le pays comme une phase aiguë de transition, qui soulevait de nombreuses craintes parmi la population, avait compris la nécessité de frapper fortement les consciences. Il avait donc appuyé le nouveau régime sur les fondements immémoriaux de la société russe : la mythologie slave, la tradition orthodoxe et la grandeur de la nation. Le «dogme» ainsi arrêté, le «guide suprême», idole autoproclamée de cette Russie régénérée, avait prêté serment à son vénéré prédécesseur et avait fait de sa police secrète une nouvelle Inquisition.
C'est en cela que réside, à n'en pas douter, la longévité du stalinisme. C'est bien parce qu'il a su s'adresser avec discernement - et un ascendant certain - à l'«âme séculaire du pays» et qu'il a entretenu avec habileté une forme de «culte païen» à son propre égard que Staline a permis au système qu'il avait institué, en dépit de continuels échecs, de perdurer près de soixante-dix ans.
A l'annonce du transfert du corps du dictateur dans cette immense chambre mortuaire aux murs de marbre et aux imposants lustres de cristal, le peuple déferla vers le centre de la capitale. Cette foule sans âge, miroir de la Russie éternelle, était au fond la même que celle qui accourait jadis des provinces pour assister au couronnement et aux funérailles des tsars les plus cruels.
Dans la nuit glaciale, la multitude s'entassa sur les avenues qui menaient au théâtre Bolchoï, attendant dans une fébrilité muette le moment où il serait possible d'aller le voir. Jeunes et vieux, portant dans leurs bras des enfants, avançaient ou reculaient, pressés par le flot humain, sous un ciel piqueté de discrets flocons de neige. Le silence, pesant comme celui de la plaine infinie, n'était troublé que par les coups assourdis de l'horloge du Kremlin, le crissement des pas sur la chaussée enneigée et les ordres, presque murmurés, des miliciens :
«Serrez les rangs, camarades.»
«Un moment inoubliable», précisera Gorbatchev qui s'était lui aussi rendu à la salle des Colonnes.
Revue de presse :
Après l'interminable fin de règne de Brejnev (mort à 76 ans), le bref passage au Kremlin d'Andropov (70 ans), la gérontocratie russe n'en finissait pas de s'éteindre... C'est dans cette période grise que débute le Roman de la Perestroïka de Vladimir Fédorovski, grand connaisseur de la Russie éternelle et lui-même acteur de cette décennie de bouleversements qui commence avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir en 1985 et s'achève avec la chute du mur de Berlin, la fin de l'Empire et l'élection de Boris Eltsine à la présidence russe. Une révolution sans violence, dans un pays pourtant habitué aux bains de sang, aux victimes par millions, et de surcroît doté d'un arsenal de plus de 10 000 têtes nucléaires... (Fabrice Drouzy - Libération du 29 août 2013)
L'Occident a tellement espéré la chute du régime communiste russe qu'il n'a pas loupé un épisode des années perestroïka. Gorbatchev nous fascinait...
Tout cela, on croit le savoir par coeur. Mais avec Vladimir Fédorovski, l'aventure devient un roman à la Alexandre Dumas. On visite les lieux où se montent les complots, on dessine le portrait des apparatchiks, on parle d'amour et de mafia... On quitte les pages politiques de nos journaux pour se promener à la cour des tsars rouges. Fédorovski, à l'époque, était aux premières loges...
Une histoire aussi peu morale que romanesque, dont Fédorovski fait son caviar. (Gilles Martin-Chauffier - Paris-Match, septembre 2013)
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