Extrait :
1. LGRAELEI
airelle, élargie, allégé, argile, glaire, légal, galère, lire, grill, gelé
ALLERGIE
Le jour où j'ai failli mourir, le ciel était d'un bleu vif et lumineux - ce qui nous changeait agréablement de la pluie, si fréquente ici, à Vancouver. Quelques nuages flottaient encore, mais loin, au-dessus des montagnes de North Shore.
J'étais installé à une table de pique-nique, dans la cour du collège, en train de déjeuner. Comme on était déjà mi-octobre, il faisait un peu frisquet pour manger en plein air, mais je préférais encore cela au réfectoire, qui était bruyant, bondé, voire dangereux pour ma santé si un élève me faisait un croche-pied. Parfois, on se sent plus seul au milieu de la foule que quand on n'a personne autour de soi, vous voyez ce que je veux dire ?
J'ai mordu dans mon sandwich, puis admiré mes pieds. Je portais mes baskets neuves. Seul un oeil de lynx aurait pu deviner que ce n'étaient pas des Nike. Maman n'aurait jamais pu m'en payer, des Nike, mais elle m'avait emmené dans le quartier chinois pendant le week-end et c'est là que j'avais repéré ces copies pratiquement parfaites, pour un quart du prix.
Elles étaient classe, mes pompes neuves. Vraiment hyper classe. Toutes blanches, virgule bleu marine, lacets bleu marine assortis. Maintenant que j'y repense, j'avais peut-être eu tort de mettre mes chaussettes orange fluo avec, mais même ainsi elles étaient canon. Presque au point de me faire oublier mon pantalon, qui était carrément trop court, mais, comme maman aime à le répéter, l'argent ne pousse pas sur les arbres : le pantalon neuf, ce serait pour plus tard.
Sur le terrain de sport, Troy, Mike et Josh tapaient dans un ballon de foot. J'ai envisagé un instant de leur demander si je pouvais me joindre à eux, mais je me suis vite ravisé : la dernière fois que j'avais essayé, ils m'avaient collé dans les buts, puis m'avaient envoyé le ballon dans la tête, encore et encore, jusqu'à ce que j'aie le crâne en compote. J'ai donc décidé de ne pas bouger.
Le soleil était agréable et j'ai fermé les yeux. J'ai senti les rayons tièdes baigner mon visage et imaginé qu'ils effaçaient comme par magie les points noirs de mon nez.
Ensuite, le soleil s'est caché et quelque chose m'a durement cogné la tête. J'ai rouvert les yeux. La première chose que j'ai vue, c'est le ballon de foot qui roulait par terre. La deuxième, c'est trois paires de pieds chaussés de Nike.
J'ai relevé la tête. Troy, Mike et Josh, debout devant moi, me regardaient de haut. C'étaient eux qui me cachaient le soleil.
- Oups ! a fait Troy.
Massif comme un tronc d'arbre, il mesurait au moins une tête de plus que les deux autres. Il avait les cheveux noirs, courts, drus, et des yeux trop petits pour sa figure.
- Pas grave, ça arrive, ai-je dit (même si, à vrai dire, les collisions entre leur ballon et mon crâne «arrivaient» au moins trois fois par semaine).
- Tu manges quoi, Am-brosse ? s'est enquis Mike, que certains auraient décrit comme «râblé» et que moi, pour ma part, je n'hésite pas ici à qualifier de «gros».
Ses cheveux à lui étaient châtains et bouclés, il avait l'air renfrogné en permanence, et son jean lui descendait très bas sur - ou plutôt sous - la taille, révélant douze bons centimètres de caleçon, ce qui, si j'ai bien tout compris, était censé lui donner un look non pas ridicule mais branché.
- Ambrose, l'ai-je corrigé. Sandwich au fromage, carottes, pomme...
Présentation de l'éditeur :
J'ai repris une bouchée de mon sandwich en me disant que, tout compte fait, ma conversation avec Nif-Nif, Naf-Naf et Nouf-Nouf s'était plutôt bien passée, lorsque j'ai soudain ressenti des démangeaisons partout, suivies d'un resserrement distinct de ma gorge. Je connaissais cette sensation. J'ai retiré la tranche de pain supérieure de mon sandwich, et comme de juste je suis tombé dessus.
Une cacahuète. Ou, pour être précis : une demi-cacahuète. L'autre moitié se trouvait dans mon tube digestif, et moi, j'entrais en choc anaphylactique. C'est-à-dire que toutes les muqueuses de ma gorge enflaient et que je ne pouvais plus respirer, ou presque.
Ambrose, allergique aux cacahuètes, passe pour un loser absolu. Lui et sa mère ultra-protectrice, Irène, déménagent sans arrêt. Le jour où l'adolescent est empoisonné au collège, Irène décide de le déscolariser. Cloîtré chez lui, Ambrose s'ennuie à mourir, jusqu'au jour où il rencontre Cosmo, le fils des voisins, un jeune homme un peu mal parti dans la vie. Par hasard, ils se découvrent une passion commune pour... le Scrabble. Si l'arrivée de Cosmo dans leur petit cocon est vue d'un très mauvais oeil par Irène, Ambrose n'en démord pas : son intrigant voisin deviendra, qu'il le veuille ou non, la figure paternelle que l'adolescent aurait tant voulu avoir.
Susin Nielsen, pour la deuxième fois traduite en France, a commencé sa carrière en écrivant un certain nombre d'épisodes de la série télévisée Degrassi Junior High. Elle a ensuite adapté plusieurs épisodes en livres, formant alors le voeu d'écrire un jour des romans pour les adolescents. En 2006, Susin Nielsen a enfin mis son souhait à exécution en écrivant Word Nerd (Moi, Ambrose, roi du Scrabble), son premier roman original pour adolescents. Tundra Books l'a publié au Canada à l'automne 2008. En 2010 a suivi Beat George Clooney... Susin Nielsen vit à Vancouver avec sa famille.
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