Extrait :
LA TOUR EIFFEL COMME MARRAINE
Jean Cocteau ne naît pas à Paris, mais dans La villégiature que possède sa famille maternelle à Maisons-Laffitte. Si les vacances se déroulent au «Berceau» - nom de la propriété - la capitale s'avère le point d'ancrage. Louis-Eugène et Emilie Lecomte habitent 45, rue La Bruyère, un hôtel particulier suffisamment vaste pour héberger leur fille Eugénie, son époux Georges Cocteau, ainsi que leurs trois enfants : Marthe, Paul et Jean. Dernier de la fratrie, le petit garçon grandit dans cette demeure qui recèle de nombreux trésors. Collectionneur, son grand-père a acquis des statues antiques, des dessins d'Ingres, de Delacroix et de Ziem. Dans Portraits-Souvenirs, où il raconte les faits marquants de sa jeune existence, Jean évoque l'escalier qui mène vers les appartements de Louis-Eugène dont Le métier d'agent de change n'a pas étouffé L'attirance pour les arts. La famille Lecomte appartenant à la bourgeoisie «éclairée», le garçonnet évolue dans une atmosphère propice à l'imagination. Férus de musique, ses parents se rendent régulièrement à l'Opéra ou à l'Opéra Comique. En voyant sa mère se préparer pour ces sorties, en feuilletant les programmes qu'elle rapporte, il contracte «Le mal rouge et or». Celui qui Le liera à jamais au rideau de velours cramoisi, à la scène et au parfum des coulisses. Lui-même assiste avec sa gouvernante allemande à des spectacles destinés aux enfants, dont les projections de lanternes magiques. Au Nouveau Cirque, rue Saint-Honoré, il applaudit les clowns Footit et Chocolat. Au théâtre du Châtelet, il découvre Jules Verne avec l'adaptation du Tour du Monde en 80 jours. Lorsqu'il retrouve sa chambre, il découpe des décors et des personnages dans les emballages du magasin Old England où on lui achète ses vêtements. Durant des heures, il crée ses propres univers et joue avec ses créatures...
Une tragédie interrompt brutalement cet état de grâce. Le 5 avril 1898, Georges Cocteau se suicide en se tirant une balle dans la tête au domicile parisien. Son fils Jean a tout juste neuf ans. Quelles explications lui donne-t-on ? À cette époque, on ne met pas de mots sur les drames. Pire, on les camoufle. Face à des points d'interrogation et à la sensation d'avoir été abandonné par celui qui aurait dû le protéger, le garçon tente de se construire... «Perdre l'enfance, c'est perdre tout. C'est douter. C'est regarder les choses à travers une brume déformante de préjugés, de scepticisme.» (Le Foyer des artistes).
En 1900, dans le dessein d'accueillir avec faste le XXe siècle, Paris organise une nouvelle exposition universelle. Le long de la Seine, des bâtiments éphémères renferment ce que la France et le monde proposent de plus enthousiasmant et de plus innovant. Comme tous les habitants de la «Ville Lumière», Jean se promène au milieu d'un gigantesque décor qui lui ouvre les yeux sur «tailleurs» et la modernité. Le pays étant prospère, l'optimisme s'affiche et la population ne songe plus qu'à se divertir. Sarah Bernhardt triomphe dans L'Aiglon d'Edmond Rostand et le Champagne coule à flots chez Maxim's. Peu à peu, les voitures et les tramways remplacent les équipages. Le métro apparaît. Alors que l'électricité éclaire un nombre grandissant de commerces et de foyers, on commence à utiliser le téléphone. Des immeubles aux façades ornées de cariatides et de balcons sinueux sortent de terre. Plusieurs noms d'architectes et de décorateurs courent sur toutes les lèvres : Guimard, Majorelle, Galle, Daum. C'est la Belle Époque, celle d'un art de vivre luxueux et voluptueux.
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Présentation de l'éditeur :
Né en 1889, La même année que la Tour Eiffel, Jean Cocteau a passé la majeure partie de son existence à Paris dont il a observé et accompagné les transformations. Enfance rue La Bruyère, salons littéraires de la Belle Époque, années folles au Boeuf sur Le toit, vie littéraire dans l'entre-deux-guerres, émulation des années cinquante, succès au théâtre et au cinéma... Rien n'a échappé à son désir de surprendre, d'innover et de créer.
Des quartiers de la Madeleine et du Palais-Royal à ceux du Montparnasse et de Saint-Germain-des-Prés, le poète livre ses rites et ses goûts au cours d'une promenade riche en péripéties et en rencontres avec les plus grands artistes du XXe siècle (Picasso, Stravinsky, Genêt, Colette...).
Une approche personnelle de la ville qui a illuminé sa jeunesse et inspiré de nombreuses oeuvres dont Les Enfants terribles (1929).
Dominique Marny a publié de nombreux romans. À son grand-oncle, Jean Cocteau, elle a consacré plusieurs ouvrages dont Les Belles de Cocteau, Jean Cocteau, archéologue de sa nuit et Jean Cocteau, le roman d'un funambule. À Paris, elle a été co-commissaire de l'exposition «Jean Cocteau, le Magnifique» (2013). Elle est vice-présidente du comité Jean Cocteau.
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