Extrait :
Extrait de la préface de Charles Delattre :
Le présent volume rassemble les actes d'une table ronde tenue à l'université de Paris X Nanterre les 14 et 15 avril 2005, manifestation organisée par l'équipe de recherche THEMAM, Textes, Histoire et Monuments de l'Antiquité au Moyen Âge, qui est née de l'intégration en 2005 de l'UMR TIMA, Textes, Images et Monuments de l'Antiquité au haut Moyen Âge au sein de l'UMR ArScAn, Archéologies et Sciences de l'Antiquité.
Tout autant que des actes de table ronde, Objets sacrés, objets magiques est un manifeste de continuité : les chercheurs de THEMAM soulignent par cette publication leur souci d'examiner le vaste domaine qui va de l'Antiquité au Moyen Age dans ses transitions, ses ruptures et ses permanences, en faisant se croiser préoccupations littéraires, historiques, religieuses ou linguistiques. C'est du dialogue entre chercheurs de diverses origines et pratiques que naît une réflexion féconde sur les phénomènes de transmission, qui constituent un des pôles de recherche de THEMAM. Continuité également dans les activités de l'équipe : Objets sacrés, objets magiques est le quatrième volume d'une série inaugurée par Le discours d'éloge, poursuivie par Le costume et La mort du souverain, et destinée à se prolonger avec L'audience. Entre Antiquité et Moyen Âge, chacun de ces ouvrages interroge transitions et discontinuités et constitue peu à peu une série de référence dont le présent volume se veut un jalon.
La définition d'un sujet entre sacré et magie est une autre façon de maintenir l'exigence de continuité et de s'interroger sur décalages et transitions : si, comme le rappelle E. de Martino dans Italie du Sud et magie (p. 150), il y a du religieux au coeur de la magie et du magique au sein du religieux, c'est que magie et religion constituent les deux pôles d'un continuum que les polémiques confessionnelles, qu'elles soient catholiques ou protestantes, ont tenté de faire éclater sans jamais parvenir tout à fait à nier l'irréductible unité du phénomène. C'est donc ce champ du mythico-rituel qui a été choisi, domaine de transition par excellence où aucune définition ne parvient à imposer de frontière irréfutable, afin d'interroger une autre catégorie tout aussi problématique, celle de l'objet.
C'est une question en effet que cette présence intrigante d'un artefact, d'un objet fait de main d'homme au sein d'un domaine où l'homme justement convoque ce qui lui est le plus étranger, installe une présence qui le dépasse et instaure une relation dans laquelle trouve à s'exprimer le sentiment que R. Otto avait appelé le numineux. Si la matérialité est bien évidemment support de la spiritualité, l'intrusion de cette matière pose problème en même temps qu'elle donne accès pour le moderne à ce domaine d'étude.
Pour la recherche, cet objet problématique est un point d'ancrage, car sa matérialité rassure : l'historien des religions l'interroge au coeur de sa pratique et trouve en lui ressource documentaire, matière à réflexion et principe d'organisation. Le rituel des fétiaux permet ainsi à Ch. Guittard de cerner les rapports entre religion et magie dans le cadre du ritus Romanus en mettant en valeur la présence d'objets à la valeur ambiguë, investis d'un pouvoir particulier qui dépasse la simple mise en oeuvre par les sacerdotes. À l'autre bout du spectre historique, C. Vincent interroge l'usage des luminaires dans le culte chrétien occidental au Moyen Age en examinant les polémiques qui entouraient leur statut et montre la difficulté à se contenter d'adjectifs tels que «sacré» ou «magique» pour délimiter la place de ces objets dans le culte. Entre ces deux extrêmes, S. Kauffmann interroge justement la transition d'un monde à l'autre, d'une amulette magique insérée dans le paganisme à une amulette sacrée assumée par le christianisme naissant.
Présentation de l'éditeur :
Objets sacrés, objets magiques recueille les actes d'un colloque qui s'est déroulé au croisement de plusieurs disciplines : études littéraires, archéologie, histoire ancienne et médiévale, histoire des religions, anthropologie, etc. Le vaste domaine qui va de l'Antiquité au Moyen Âge y est examiné dans ses transitions, ses ruptures et ses permanences, par le biais d'une enquête sur une catégorie problématique, l'objet qui apparaît dans les champs conjoints du sacré et du magique. C'est une question en effet que cette présence intrigante d'un artefact, d'un objet fait de main d'homme. L'objet magique est doté d'une matérialité qui rassure, car on peut la manipuler et en faire l'essence même de la pratique de sorcellerie. Mais la matérialité est aussi bien ici support de la spiritualité, et l'objet est soutien de pratiques religieuses ; l'intrusion de cette matière pose problème en même temps car elle peut contrevenir, par son opacité, à la définition du sacré. Entre magie et sacré, l'objet hésite, vacille et affirme sa consistance. Mais l'objet est aussi objet littéraire, produit du discours, où sa matérialité est une fiction organisée par le langage. De nature incertaine et ambiguë, l'objet se dérobe aussitôt qu'on croit pouvoir le saisir : il est disparate pour mieux se dissimuler aux regards, et peu importe finalement sa nature véritable, car il peut avoir pour fonction d'être dissimulé, voire de faire croire qu'il existe alors qu'il n'est qu'une construction du langage. L'objet reste ainsi au centre du dispositif magico-sacré en perdant paradoxalement ce qui semblait le mieux le définir, sa matérialité. Cette dernière n'apparaît plus que comme un faux-semblant, car l'objet devient une occasion, un point nodal et focal qui dépasse la matière qui le constitue ; il est plus un champ de forces qu'un objet réel. En faisant vaciller ce point d'ancrage, c'est nos regards sur la magie et le sacré dans le monde antique et médiéval que ce livre a pour but de réorienter.
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