Quatrième de couverture :
Peut-on encore aimer Francesca, être troublé par Ugolino, trembler aux tourments des damnés de la Comédie ? L'Enfer de Dante, poétique et médiéval, n'a-t-il pas désormais pâli irréparablement auprès des Enfers tout proches, que notre siècle n'a pas encore fini, semble-t-il, de susciter ? En fait l'imagination créatrice de Dante est si puissante, et si précise, qu'elle semble décrire par avance, parfois, l'inimaginable horreur moderne. Le gigantesque entonnoir de l'Enfer, dépeint comme le réceptacle de tout le mal de l'univers, est une sorte de sac où viennent s'engouffrer tous les atomes de mal épars sur la planète. Mais nous lisons aussi autre chose dans l'Enfer ; nous y lisons aussi précisement le Purgatoire et le Paradis. Même si L'Enfer se présente comme un livre séparé, il se perçoit sur fond d'un ensemble dont il n'est qu'une phase inséparable. Car il s'agit d'un voyage initiatique accompli pas à pas par le narrateur ; chaque épisode a le sens d'une étape orientée vers la révélation finale. L'insistance du Je, sa présence intensément concrète, guide le chemin d'une lecture moderne de L'Enfer. Le corps de Dante voyageur engendre une série de mouvements dramatiques dans le poème, et ce corps est pour les damnés, ombres impalpables et souffrantes, source de stupeur, d'envie, de nostalgie. L'Enfer aujourd'hui, plus que le catalogue effrayant des péchés et des châtiments possibles, plus que l'archétype du roman noir, correspond plutôt pour nous au départ de l'exploration, à la première étape du grand roman initiatique d'une autre civilisation qui est à la racine de la nôtre. Traduire Dante ? " J'ai voulu, écrit Jacqueline Risset, faire émerger un aspect de la Comédie généralement voilé : la vitesse du texte de Dante, et donc m'éloigner de toute solennité paralysante. La flèche de la tierce rime ne cesse pas, la surprise emmène le voyageur, le rythme impair dépayse l'oreille. Dans ce mouvement fébrile, Dante est proche, on entend sa voix, et cette voix nous concerne. "
Présentation de l'éditeur :
Dans son effort de respecter du mieux qu'elle pouvait le texte original, cette traduction essaye simplement de restituer le " possible " du texte ; elle doit permettre au lecteur d'effectuer son parcours personnel, sans être soumis à une autorité raisonnable, prometteuse de vérité. La puissance interrogative de l'œuvre ne peut que susciter une introspection dont, nous semble-t-il, Dante n'a point cherché à donner de solution unique, mais plutôt à brouiller tout ce qui pourrait faire office de réponse. Les références de Dante sont celles de son époque, et il parle, juge et aime en tant que chrétien. La chrétienté de Dante ne nous est apparue que comme un filtre, aussi subjectif qu'un autre, auquel adhésion ou non-adhésion n'est pas déterminante. Le choix de proposer un texte rythmé principalement par des décasyllabes et des alexandrins découle du désir d'édifier une travée rythmique de base autour de laquelle d'autres vers au mètre libre puissent librement s'épanouir. Aucune systématisation de la métrique ne s'est imposée par nécessité, le seul objectif avoué étant la recherche de la fluidité de la lecture. Le propos de la traduction est avant tout de faire passer d'un lieu à un autre. Ce nouveau filtre ne peut que rajouter une nouvelle incertitude à la lecture ; le malaise qui en résultera se doit de participer au malaise plus intense que Dante crée dans sa tentative de faire naître la lumière parmi de si vives ténèbres.
DIDIER MARC GARIN
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