Présentation de l'éditeur :
Réaliser une enquête ethnologique dans le parc national de la Vanoise pour un chercheur tunisien ignorant presque tout des réalités locales - du fonctionnement de l'administration aux conditions de vie en altitude - est une gageure qu'Adel Selmi n'a pas hésité à relever.
C'est sur le mode de l'observation participante qu'il s'est acclimaté à ce milieu et qu'il l'a, pour ainsi dire, acclimaté à sa présence. Intervention délicate dans un contexte conflictuel où les protagonistes avaient pris le parti d'éviter le débat plutôt que d'entrer dans la controverse sur la création et sur l'évolution des modes de gestion des espaces naturels. En effet, conformément au modèle de protection de la Wilderness - ou de ce qu'il est convenu d'appeler la nature primitive ou vierge -, la politique de protection de la nature a longtemps consisté, en France, à connaître et protéger les espèces et à limiter le développement des activités humaines dans les parcs nationaux. Cependant, l'évolution des approches écologiques et l'émergence des concepts de biodiversité et de développement durable ont récemment amorcé un changement d'orientation dans les politiques de conservation et de gestion des espaces protégés.
Adel Selmi nous livre ici une analyse de ces mutations grâce à une description très fine des visions du monde des personnes ayant participé à la création d'un parc national. Si l'histoire institutionnelle et idéologique de la protection de la nature en France apparaît en filigrane tout au long du livre, l'auteur propose surtout un exposé passionnant des attitudes et positions éthiques des acteurs. Il analyse les formes de construction et de circulation des savoirs pratiques, cognitifs et symboliques autour des objets naturels.
Adel Selmi est docteur en anthropologie sociale et ethnologie à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris). Il est chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et chercheur affilié au Laboratoire d'anthropologie sociale au Collège de France. Ses recherches portent sur les pratiques, les savoirs et les politiques de protection de la nature, de gestion de la diversité biologique et de risques environnementaux.
Extrait :
Extrait de la préface de Weber :
La «nature» est un sujet de réflexion ethnologique aussi vieux que l'ethnologie elle-même, que l'on situe son origine à Rousseau, à Hérodote ou à Platon. À la fin du XIXe siècle, Elisée Reclus considérait déjà que les représentations de la nature constituaient un enjeu politique, ce que le chapitre sur les «montagnes sacrées» illustre particulièrement. Les visions du monde ont été un objet d'attention des grands ethnologues du XXe siècle, de Bronislav Malinowski à Mary Douglas, de Claude Lévi-Strauss à Maurice Godelier.
Pourtant, à la fin des années 1980, les publications sur les relations nature-sociétés se multiplient : l'ouvrage, pour l'essentiel, les recense. Elles s'emparent du thème des représentations, d'abord, et de la façon dont elles reflètent et structurent les relations sociales, ensuite. Le livre de Roy A. Rappaport fondait déjà une anthropologie écologique; douze ans plus tard, Maurice Godelier allait influencer profondément le développement de cette anthropologie écologique en France avec L'Idéel et le Matériel (1984). Les publications se multiplièrent alors comme le montre la bibliographie du présent ouvrage. À des titres différents, une série d'ouvrages allait suivre à peu d'intervalle et aurait une profonde influence sur l'évolution des recherches en sciences sociales à propos de la nature et des politiques de la nature. Un an après l'ouvrage de Maurice Godelier, Anne Cadoret publiait une étude de l'histoire et de l'idéologie de la protection de la nature ; puis Augustin Berque (1986) offrait au lecteur son magnifique essai sur le sauvage et l'artifice au Japon ; Philippe Descola, la même année, livrait sa Nature domestique et Michel Callon, son article fondateur d'une «sociologie de la traduction», sur la «domestication des coquilles Saint-Jacques et des pêcheurs en baie de Saint Brieuc».
Le jardin était planté, il n'a pas cessé de fleurir : 1989, Les sociétés et leurs natures de Georges Guille Escuret; L'écologie et son histoire de Drouin, ainsi que d'autres sur le même sujet, à peu près au même moment (Jean-Paul Deléage ; Pascal Acot, entre autres).
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