Extrait :
Extrait de l'introduction :
Cet ouvrage se propose comme une réflexion sur la nature paradoxale de l'homme inspiratrice du tragique : sa nature semble le vouer à la haine et à la violence et pourtant il pense (eppure si muove) aux autres, avec les autres, parle avec eux, imagine avec les autres, construit avec les autres, invente les rapports nouveaux, fait des projets avec les autres et... retrouve dans ses sentiments, ses actes et ses réalisations, haine et jalousie.
Les lois semblent émerger de la nécessité de réguler ces paradoxes et leurs éternels retours. La Loi est-elle dans sa nature ou lui est-elle infligée par quelque entité préhistorico-surnaturelle ?
Ce livre essaie de remettre en discussion ce qu'il en est de cette nature où des solidarités très organisées sont contredites par des violences meurtrières et même se confondent. C'est une longue histoire qui semble sans fin, qui porte les uns au pessimisme, les autres à de nouvelles utopies qui succombent à leur tour aux effets du même paradoxe. Au moins, l'humanité cherche-t-elle à se penser et à poursuivre la tâche que lui assigne un destin qui n'a pas de raison.
Faut-il encore chercher ses origines, spéculer sur ses fins, comme beaucoup et des plus grands l'ont fait, ou plus modestement, réinterroger les processus selon lesquels l'humain tantôt s'abandonne à son animalité, tantôt se révèle politique, sans jamais dissocier définitivement l'un de l'autre ?
C'est aller sur des chemins déjà explorés mais selon d'autres traverses, et surtout voir se réaffirmer cette interdépendance du psychique et du social où se rejoignent la sociologie et la psychologie sociale cliniques, esquissant une psychologie politique... C'est se situer au coeur d'une interdisciplinarité déjà amorcée avec, notamment, les apports de l'anthropologie et de l'histoire contemporaine. Le qualificatif «clinique» signifie que l'humain a le statut de sujet dans cette étude. La psychanalyse, la phénoménologie autant que la philosophie y sont donc présentes à titre de références essentielles.
Ceux qui, depuis longtemps (outre la célèbre formule d'Aristote, «L'homme est un animal politique»), ont provoqué ma réflexion sont Freud, Reich, Lacan, Marx, Weber, Mauss, Lévi-Strauss, Castoriadis, Vernant (sans oublier Aristote), qui m'ont incitée à entrechoquer des propositions si fécondes qu'elles ont révolutionné la pensée bien que, en tant qu'hypothèses, elles soient parfois hasardeuses et aient été mises en échec.
Présentation de l'éditeur :
Partant de l'affirmation d'Aristote selon laquelle l'homme est un animal politique et qui parle, l'auteur développe ce qu'il en est du lien paradoxal qui lui fait nécessairement rechercher la coopération de ses semblables, organiser des solidarités, tout en réagissant agressivement à toute dissemblance réelle ou imaginaire. De cette lutte incessante entre les pulsions, entre celles-ci et l'impératif spécifique à l'espèce d'élaborer ses modes de vivre-ensemble, entre violence et symbolique, naît le politique. Celui-ci peut se définir comme l'émergence de la Loi, non comme évocation du père mais comme émanation du groupe, garantissant la reconnaissance de ses membres et l'interdiction de dévoration entre eux.
L'auteur, dans une perspective de psychologie politique, analyse comment les désorganisations du lien et l'affaiblissement du politique liés aux excès de la modernité suscitent désarroi et blessures identitaires qui libèrent des pulsions destructrices comme le terrorisme, les violences urbaines ou les conduites suicidaires. Elle souligne les paradoxes du «rêve démocratique» même si elle conclut à la nécessité de l'utopie pour rêver et vouloir le politique.
Jacqueline Barus-Michel, psychosociologue, est professeur émérite de l'université Paris 7 (Psychologie sociale clinique). Elle est membre du Laboratoire de changement social (Paris 7) et du CIRFIP (Centre international de recherche, de formation et d'intervention psychosociologiques).
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