Pas très cathodique: Enquête au pays des "sans-télé"

Bergier, Bertrand

ISBN 10 : 274921291X ISBN 13 : 9782749212913

Editeur : Erès, 2010

A propos du livre

Extrait :

Extrait de l'introduction

S'inscrivant dans le prolongement des pratiques de loisirs de l'entre-deux-guerres, le téléviseur s'est rapidement démocratisé et a participé à une uniformisation de la perception de la réalité. Statistiques à l'appui, le médium est repéré comme l'emblème d'une société de consommation ou, plus précisément, pour faire écho à Henri Lefebvre, le symbole d'une «société industrielle de consommation dirigée». Certes, les programmes peuvent être partiellement délégitimés, il n'empêche. Toutes les catégories sociales se sont équipées (Gaillard, 2006, p. 23). L'arrivée du téléviseur dans les foyers à partir des années 1950 implique l'introduction d'un nouveau meuble et celle, plus subtile, d'une autre mise en ordre des temps quotidiens. «La télévision constitue dans l'ensemble du monde occidental et même au-delà, la principale activité de loisir culturel» (Chaniac et Jezequel, cités par Coulangeon, 2005, p. 12). Elle est aujourd'hui visible sur des supports de plus en plus variés. Et ses programmes acheminés par des voies diverses (téléphone mobile, baladeur numérique, TNT, ADS...). Bref, 98 % des Français la regardent. Eux font exception. Ils la refusent sur toutes ses formes quel que soit l'écran de réception. Sa présence dans l'espace domestique va de soi, eux s'en dispensent. Cette absence est si rare, semble si accidentelle, qu'elle n'est pas, qu'elle n'est plus, questionnée. De fait, la problématique du non-équipement est délaissée dans les études sur les médias et les technologies ; l'attention des chercheurs se portant sur les profils des téléspectateurs et la différenciation croissante des usages du poste (Trémenbert et Jullien 2007, p. 14). Qui sont ces réfractaires ?
De toute évidence, ces objecteurs cathodiques représentent une quantité négligeable. Ce n'est pas pour autant qu'ils doivent être négligés. Mes travaux antérieurs me l'ont appris. Une des façons de cultiver le rapport d'étonnement du chercheur réside dans l'attention portée à ces situations et parcours improbables qui font rougir les statistiques :
- comment après cinq ans, dix ans, quinze ans de galère et d'errance, des hommes et des femmes parviennent-ils à avoir un logement à leur nom, un emploi à durée indéterminée, à être inscrit dans le tissu social local (Bergier, 2000) ?
- comment après avoir redoublé deux à cinq fois avant le bac et/ ou avoir été orientés vers des filières courtes, des jeunes parviennent-ils à valider des études d'ingénieur, un master ou un doctorat (Bergier et Francequin, 2005) ?

Présentation de l'éditeur :

98% des Français regardent la télévision. Eux, non. Ils la refusent sous toutes ses formes, quel que soit l'écran de réception. Qui sont ces réfractaires ? Que font-ils de leur «temps libre» ?

Ce voyage au pays des «sans-télé» nous fait découvrir une élite culturelle avec ses écarts de conduite (culturels), des adultes au passé plus ou moins cathodique selon les générations, des fratries où les enfants sont plus rebelles que les adolescents. L'enquête, menée pendant trois ans auprès des 566 ménages, dévoile des abstinents surdiplômés exerçant dans les champs de l'enseignement, de la santé, de l'art et du travail social, mais aussi 25 % d'individus n'ayant pas fait d'études dans l'enseignement supérieur, 15 % d'ouvriers-employés...

L'auteur s'attarde sur les apprentissages, les contraintes et les primes de circonstance qui rendent possible le choix de s'en passer ou de prolonger l'absence. Il repère les réactions de l'entourage et les subtilités de la distinction d'un «on n'a pas la télé» glissé dans les conversations où le «parler télé» est une monnaie d'échange. Loin d'être repliée sur elle-même, cette population atteste une culture de sortie et compte, dans ses rangs, des natifs du numérique, avant-garde d'un mouvement générationnel délaissant la petite lucarne au profit d'Internet. Atypique aujourd'hui, elle contient en germe le typique de demain.

Bertrand Bergier est professeur à l'université catholique de l'Ouest, professeur associé à l'université de Sherbrooke, directeur de recherche à l'université de Nantes, membre du LAREF/CAFORE/CIDI : cultures de l'image et dynamiques identitaires.

À propos de cette édition

• Éditeur: Erès
• Date d'édition: 2010
• ISBN 10: 274921291X
• ISBN 13: 9782749212913
• Reliure: Livre broché
• Nombre de pages: 245