Extrait :
Extrait de l'introduction de Sébastien Dupont et Hugues
«Le cinéma est un art de la femme, c'est-à-dire de l'actrice. Le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes.»
François Truffaut, Les films de ma vie.
Dans les recherches sur l'adolescence de ces dernières décennies, les questions qui se rapportent spécifiquement à l'adolescence féminine, d'abord sous-considérées, ont progressivement obtenu l'attention qu'elles méritent, aussi bien en psychologie qu'en sociologie. Malgré les avancées dans la compréhension de cet âge de la vie pour les filles, de multiples régions du «continent noir» de la féminité adolescente - pour reprendre l'expression freudienne (Freud, 1926) - restent à explorer et à interpréter.
Nous pensons, à l'instar de Freud, que les arts représentent une porte d'entrée privilégiée pour appréhender les phénomènes humains : «Ce sont de précieux alliés que les poètes et l'on doit attacher grand prix à leur témoignage, car ils savent toujours une foule de choses entre ciel et terre dont notre sagesse d'école ne peut encore rien rêver. En psychologie, ils sont bien en avance sur nous, hommes du quotidien, parce qu'ils puisent à des sources que nous n'avons pas encore rendues accessibles à la science» (Freud, 1907, p. 44). Concernant l'adolescence, le cinéma s'impose comme un objet culturel particulièrement révélateur. L'histoire du 7e art est d'ailleurs intimement liée à l'émergence de l'adolescence comme âge de la vie dans nos sociétés occidentales : l'adolescent est à la fois une figure omniprésente du cinéma et l'un de ses plus fervents spectateurs.
Soulignons ce potentiel heuristique du cinéma pour l'étude psychologique, sociologique et culturelle de l'adolescence : que ce soit dans le rapport des adolescents au cinéma (le phénomène des films cultes, les teen movies, le cinéma comme espace de socialité et comme vecteur de codes culturels...) ou dans les représentations cinématographiques de l'adolescence. Certains films - souvent plébiscités par les adolescents -mettent en scène des problématiques sensibles de ce passage, tels la rébellion, le réveil pulsionnel, la découverte de la sexualité, le questionnement sur les origines, la quête identificatoire, la recherche de l'absolu, la mise à l'épreuve des limites du possible... La puissance métaphorique de ces films en fait de fantastiques illustrations de ce que décrivent les spécialistes de l'adolescence. Ce prisme du cinéma apparaît comme un canal particulièrement pertinent pour considérer le domaine plus spécifique, plus introverti et plus mystérieux de l'adolescence féminine.
La figure de l'adolescente a longtemps occupé une place secondaire dans le cinéma, qui privilégiait la mise en scène de l'adolescence masculine. Elle a pourtant fasciné plusieurs réalisateurs et est l'égérie de quelques classiques du cinéma : Lolita (Stanley Kubrick, 1962), Family Life (Ken Loach, 1971), L'amant (Jean-Jacques Annaud, 1992), Rosetta (Jean-Luc et Pierre Dardenne, 1999)... Bien que plus discrète que son double masculin, la figure de l'adolescente a su progressivement s'imposer comme la protagoniste principale d'un nombre grandissant de films, dont plusieurs font désormais partie intégrante de la culture des adolescentes.
Biographie de l'auteur :
Sébastien Dupont est psychologue et maître de conférences associé à l'université de Strasbourg. Il est l'auteur de Seul parmi les autres : le sentiment de solitude chez l'enfant et l'adolescent (érès, 2010). Hugues Paris est psychiatre et psychanalyste. Il a publié avec Hubert Stoecklin Star Wars au risque de la psychanalyse : Dark Vador, adolescent mélancolique ? (érès, 2012).
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.