Extrait :
Extrait de l'introduction de Christine Hélot et Marie-Nicole Rubio
Le développement du langage chez le bébé et le jeune enfant est un phénomène qui fascine autant les parents que les chercheurs qui travaillent dans le domaine de la psycholinguistique. Alors que l'enfant acquiert cette extraordinaire faculté humaine, il apprend à la fois à parler et à parler une langue, parfois deux, ou même plusieurs. En effet, de nombreux enfants vivent de nos jours dans des situations linguistiques qui, dès le plus jeune âge, les mettent en contact non seulement avec une mais avec deux ou plusieurs langues. Si le multilinguisme a toujours existé et reste beaucoup plus répandu que le monolinguisme, les mouvements migratoires croissants dus à la mondialisation des échanges ont donné une nouvelle visibilité aux phénomènes de contacts de langues, de bilinguisme et de plurilinguisme.
Les structures d'accueil de la petite enfance, dont il est question dans cet ouvrage, ne peuvent plus les ignorer, puisque de plus en plus d'enfants en situation de bilinguisme ou de plurilinguisme familial les fréquentent. De nombreuses questions sur le langage et les langues - au pluriel - confrontent à la fois les responsables politiques, les personnels éducatifs, les familles et les chercheurs qui s'intéressent au bien-être des jeunes enfants. Comment, par exemple, accueillir une famille allophone qui arrive en France sans connaissance de la langue française ? Quels conseils donner à des parents qui désirent transmettre leur langue d'origine ? À ceux qui parlent chacun une langue différente à leur enfant ? Que penser de ceux qui veulent transmettre l'anglais alors que cette langue n'est pas leur langue native ? Mais aussi : comment s'adresser aux enfants eux-mêmes qui, à ce stade de leur développement, acquièrent la faculté de langage, apprennent à parler en rencontrant en dehors de leur environnement familial une langue qu'ils n'ont jamais entendue auparavant ? Enfin, comment penser l'articulation entre les structures préscolaires et l'école elle-même ainsi que la préparation à des apprentissages plus formels et plus abstraits dont la réussite dépend en grande partie des compétences en français ? Car peut-on imaginer le plurilinguisme dans les structures d'accueil de la petite enfance sans en penser les conséquences pour l'école dans son ensemble ? A quoi bon soutenir le bilinguisme familial en crèche si l'enfant qui entre à l'école élémentaire se voit interdit de parler dans sa langue première en classe ou dans la cour ?
Nous avons choisi d'utiliser le terme de plurilinguisme comme titre de cet ouvrage pour insister sur la dimension individuelle des phénomènes de contacts de langues. Les langues n'existent qu'au travers des individus qui les parlent (ou les écrivent, ou les signent dans le cas des sourds) et quand des personnes parlent plusieurs langues, c'est bien au niveau individuel que les langues sont en contact avant tout. En Europe, le terme «plurilinguisme» est préféré en général à celui de «multilinguisme», qui fait référence à des situations de contact de langues au niveau social. C'est donc le multilinguisme qui questionne nos rapports aux langues, la langue nationale et les autres langues, qui soulève des débats idéologiques sur le multiculturalisme et sur les bienfaits ou méfaits supposés du bilinguisme, et qui implique de repenser les politiques linguistiques éducatives afin d'imaginer de nouveaux modèles pédagogiques en milieu éducatif.
Présentation de l'éditeur :
À partir de recherches menées dans sept contextes multilingues en Europe, les auteurs analysent les liens très complexes entre développement langagier, plurilinguisme et bien-être des enfants, des familles et des acteurs éducatifs. Comment, quand on ne parle pas la même langue, construire des liens entre la famille et la crèche ou l'école maternelle ? Quelles sont les pratiques langagières de ces jeunes enfants en contact avec plusieurs langues différentes ? Comment accueillir une famille allophone qui arrive en France sans connaissance de la langue française ? Quels conseils donner à des parents qui désirent transmettre leur langue d'origine et à ceux qui parlent chacun une langue différente à leur enfant ?
Ces questions renvoient à des enjeux non seulement éducatifs mais politiques et éthiques. Cet ouvrage interroge l'idéologie monolingue de nos systèmes éducatifs et contribue à repenser l'accueil des jeunes enfants et de leur famille dans des espaces ouverts à la différence et à la pluralité des références culturelles.
Professeur des universités (anglais), Christine Hélot est sociolinguiste et enseigne à l'université de Strasbourg dans le département de didactique des langues et de la formation des enseignants du primaire et du secondaire (IUFM d'Alsace).
Psychologue clinicienne, Marie-Nicole Rubio est directrice de l'association Le Furet (Strasbourg), directrice et fondatrice de la revue Le Furet et coéditrice de la revue Enfants d'Europe.
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