Extrait :
Extrait de l'introduction
Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense», écrivait La Fontaine dans la fable «Le meunier, son fils et l'âne»... De même, les «nuls» de l'Union européenne ne sont pas ceux que l'on pense. Les «nuls» ne sont notamment pas les citoyens ordinaires qui ont du mal à comprendre l'Europe. Ce sont plutôt ceux qui ont échoué à leur expliquer à quel point l'aventure communautaire est extraordinaire. Ou qui, par une action à courte vue, la torpillent sans vergogne.
L'Europe unie est une idée géniale, «décoiffante», une révolution tranquille. Juste après une terrible guerre, il fallait oser renverser toutes les perspectives ; réconcilier des ennemis en faisant apparaître leurs intérêts communs ; instaurer la confiance là où fleurissait la méfiance ; dévaluer des frontières jusque-là sacrées ; créer des institutions inédites pour exercer ensemble la souveraineté ; et même fondre les monnaies nationales en une devise nouvelle. Autant de folies et pourtant, cela a «marché» !
La France et l'Allemagne, jadis rivales, se sont engagées dans une coopération sans équivalent dans le monde. Dans le marché unique, les étudiants, les travailleurs et les biens circulent librement, sans visa. La plupart des frontières physiques ont disparu. Alors qu'au Proche-Orient et, sur bien des continents, des hommes se battent encore pour des territoires, il ne viendrait plus à l'idée de personne, en Europe, de s'entretuer pour un bout de terre.
Cet espace économique de 28 pays et 508 millions de personnes est si vaste que des entreprises américaines puissantes, comme General Electric ou Microsoft, se plient aux décisions européennes. Et l'Union européenne est déjà bien plus qu'un Marché commun : même s'ils ne s'en rendent pas toujours compte, ce qui distingue le plus les Européens du reste du monde, c'est d'avoir tous aboli la peine de mort, c'est d'accepter la mise en place d'une justice internationale ou de vouloir organiser une riposte collective contre le changement climatique. De loin, cette convergence des Européens saute aux yeux ; pour ceux qui ne quittent jamais le continent européen, elle est plus difficile à saisir. Tout comme les Européens ne soupçonnent pas l'intérêt que leur démarche suscite hors d'Europe. Plus de cinquante ans après la signature du traité de Rome, l'Europe est une puissance d'un type nouveau, une sorte de laboratoire où s'invente une manière neuve de faire de la politique. Partout dans le monde, elle est étudiée, observée. Le Mercosur sud-américain s'en inspire. Le «rêve européen» - comme l'a écrit l'expert américain Jeremy Rifkin - fascine.
Malgré des carences et des choses à perfectionner, il y a de quoi être fier d'être européen. Et pourtant, les citoyens de l'UE hésitent à poursuivre l'aventure. La raison d'être de l'Union européenne, ses limites, son fonctionnement ne sont plus clairs. Pour beaucoup d'Européens modestes, la vie quotidienne est dure, l'avenir, incertain. La mondialisation fait peur. La crise est profonde. Ils en déduisent que «c'est la faute à Bruxelles» et leurs gouvernements, bien souvent, se gardent de les détromper : ils empochent les avantages de la coopération européenne tout en se dispensant d'expliquer et de défendre l'Europe. Pire, ils refusent souvent de lui donner les moyens d'exister.
Aux jeunes, nul n'explique l'extraordinaire parcours européen. Les contraintes que l'Union impose et les devoirs qu'elle crée sont minimisés. Sur la plupart des chaînes de télévision, il est rarement question de l'Europe : la politique intérieure - quand ce ne sont pas les chats écrasés - occupe l'essentiel du temps d'antenne. L'Europe est une idée géniale de moins en moins spectaculaire. La paix n'est pas photogénique, il n'y a pas de people communautaires pour animer la scène de leurs aventures. La manière dont les politiques font l'Europe aujourd'hui, à coups d'accords laborieux et de chamailleries, n'a pas le souffle des premières années. Les grands Européens s'en sont allés, emportant avec eux la joie des pionniers. Restent les experts de gris vêtus avec lesquels il est bien difficile de faire de l'Audimat.
C'est pourquoi l'Union européenne a besoin de se ressourcer, de se ressouder, de reconquérir les coeurs. Elle n'est pas parfaite, loin de là, mais, à ce jour, on n'a rien inventé de mieux dans la sphère internationale.
Innover, oui, mais en respectant l'avis des autres et ce qui a été accompli. Toutes les démocraties contemporaines sont confrontées au même défi : amener les experts à écouter le peuple mais aussi convaincre les populations de regarder le monde en face, de mesurer comme il change, d'accepter les réformes nécessaires. Démocratie n'est pas démagogie.
Il reviendra au Parlement européen qui sera élu en mai 2014 de consolider le plus grand espoir démocratique qui existe au monde. Une heure nouvelle a sonné pour l'Europe.
Présentation de l'éditeur :
« L’Europe ? Trop compliqué ! », « C’est la faute à Bruxelles ! », "L'Europe, ce sont des technocrates qui décident pour nous"… Voici quelques uns des jugements que l'on entend fréquemment au sujet de l'Europe. Idées reçues ou idées fixes, ces idées finissent par ternir l’image de l’Europe, et par éloigner les citoyens de l'Union d'un sujet qui les concerne au plus haut point. Certes, l’Union européenne n’est pas parfaite - mais quel gouvernement peut prétendre l'être ? - mais à force de ne parler que de ses supposés défauts, on en oublie ses bienfaits : la paix entre les peuples, l’abondance alimentaire, l’euro, une politique environnementale exigeante. Et surtout, un apprentissage mutuel permanent. L’Europe, c’est un travail d’équipe, une école de respect et d’ouverture. Dans bien des domaines, il faudrait davantage d’Europe : pour éviter que les Russes coupent le gaz ou que les mafias prolifèrent au sein de cette zone économique. Autant de bonnes raisons de réviser votre opinion sur le sujet. Histoire, institutions, politiques, lacunes et espoirs… Ce livre fait le pari qu’il est possible de parler clairement de l’Europe. Dans l’espoir de donner un nouvel élan à cette aventure extraordinaire.
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