" En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. " Cette sentence d'Amadou Hampâté Bâ, que d'aucuns croyaient un proverbe de vieille tradition, prend une résonance particulière au moment où paraît ce livre de mémoires. Amkoullel, c'est le surnom que portait le jeune Hampâté Bâ quand, au début de ce siècle, il s'initiait aux traditions familiales séculaires. Fréquentant l'école française en même temps que la coranique, courant la savane alors que des proches partaient pour une guerre lointaine (la Première Guerre mondiale), à l'écoute des grands maîtres de la parole, il devenait lui-même, à son insu, l'un des futurs garants et dépositaires d'une civilisation orale en pleine mutation. Le regard d'Hampâté Bâ est d'abord celui, plein d'humour, d'un Africain à la fascinante mémoire. " Oralité couchée sur le papier ", se plaisait-il à dire. Mais ce regard est aussi celui d'un écrivain d'envergure : les récits, nourris par une culture multiple, un verbe haut et un itinéraire spirituel d'exception, convergent en effet pour donner un de ces " grands fleuves du dire " qui enrichissent le patrimoine mondial, et où les passionnés de littérature, les spécialistes et les amateurs de témoignages vécus trouveront des réponses inédites aux questions que l'Afrique leur pose aujourd'hui.
Amkoullel, c'est le surnom que l'on donnait à Amadou Hampâté Bâ du temps de son enfance et de son adolescence au Mali. Respectant les traditions ancestrales de l'Afrique noire, son récit se déploie chronologiquement, remontant jusqu'à l'aurore de sa lignée. Et d'évoquer les luttes qui séparèrent le peuple peul des Toucouleurs, mais aussi l'histoire de ses ancêtres qui furent, pour la plupart, d'éminentes figures. À coups d'anecdotes souvent drôles, toutes pittoresques pour le lecteur non africain, émaillées d'images aussi belles qu'insolites, l'écrivain-conteur tisse aussi sa propre histoire dans le Mali du début du XXe siècle : son initiation aux coutumes de son peuple, son séjour à l'école française ou dans la savane ; la découverte du colonialisme enfin, et sa foi grandissante en la tolérance et en l'humanisme.
On connaît surtout ce grand intellectuel malien pour ses essais consacrés à la tradition et aux civilisations africaines et pour sa lutte inépuisable au service des cultures orales. Il révèle ici un humour, une sensibilité et un talent de conteur dignes des plus grands griots. --Laure Anciel